Publié le Mercredi 28 octobre 2020 à 09h31.

Donald Trump, du président au monarque virtuel

En quatre ans, Donald Trump a remodelé la politique étatsunienne, transformant la présidence en une monarchie virtuelle où lui, sa famille, ses hommes de main et ses courtisans dirigent la nation pour les riches tout en prétendant servir la classe ouvrière blanche.

Trump a voulu dominer les médias, a gouverné par le biais de décrets et a menti au public. Il a mené une guerre incessante contre les immigrantEs, séparant les familles et incarcérant les enfants, refusant l’entrée aux États-Unis aux demandeurEs d’asile. En même temps il a encouragé la droite nationaliste blanche. Ensuite, la pandémie du Covid-19 a conduit à une crise économique nationale tandis que des millions de personnes protestant contre le racisme et la brutalité policière ont ébranlé le pays. Aujourd’hui, Trump doit faire face à un soutien déclinant, à la désertion de certains de ses alliés et à une perte de crédibilité au sein de la population.

« Rendre sa grandeur à l’Amérique »

En 2015, le magnat de l’immobilier et de la construction et vedette de la télévision Donald J. Trump s’était porté candidat à la présidence des États-Unis en tant qu’« outsider », promettant qu’il « drainerait le marécage » à Washington et « rendrait sa grandeur à l’Amérique ». Trump, qui a hérité de la fortune de son père, s’était tourné dans les années 1980 vers la construction d’immeubles de luxe, de terrains de golf et de casinos à Manhattan, puis en Floride et dans le monde. Une grande partie de ses revenus provenait de sa marque (son nom de famille) et de son émission de télévision «The Apprentice », qui a fait également connaître son nom. Dans ses affaires, il a collaboré avec la mafia, violé les lois du travail, discriminé les NoirEs et souvent refusé de payer les sous-traitants.

Trump a toujours eu un intérêt pour la politique. En 1987, il a dépensé près de 100 000 dollars pour publier une annonce dans la presse appelant à une politique étrangère plus agressive. En 1989, il a dépensé 85 000 dollars pour une annonce d’une page entière appelant au rétablissement de la peine de mort pour cinq hommes et garçons noirs accusés d’avoir violé une femme à Central Park. Ils ont été disculpés, mais il a continué à les traiter de violeurs. Tout au long des années 1990 et 2000, Trump a joué avec la candidature à la présidence. Pendant un certain temps, il a rejoint le « Parti de la réforme », petit parti de droite, suggérant qu’il pourrait être son candidat à la présidence. En 2011, il a publié Time to Get Tough : Making America #1 Again (Il est temps d’être fort : refaire de l’Amérique le n° 1) et en 2015 Great Again, des livres qui exposaient ses opinions politiques : politique étrangère agressive, opposition à l’immigration et mépris pour les médias.

En 2016, Trump s’est présenté comme un étranger au monde politique, qui se dresse contre les élites, les banques et les entreprises mondialisées, les politiciens professionnels et les « fake news ». Dans ses discours, il a promis de « protéger » les États­unienEs des immigrantEs mexicains, des terroristes musulmans et des concurrents chinois. Il a qualifié les immigrantEs mexicains de trafiquants de drogue, criminels et violeurs. Il a déclaré qu’il ramènerait des emplois US avec une taxe à la frontière et empêcherait les entreprises de déplacer leur siège à l’étranger pour éviter les taxes. Il a annoncé le lancement d’un grand programme de travaux publics. Il a promis de ne pas toucher à la sécurité sociale, mais s’est opposé à l’Obamacare (la loi pour rendre plus abordable l’accès à la santé, votée sous Obama). Il s’est posé en champion de l’ordre public, jurant qu’il allait réprimer la violence dans les villes US. Enfin, il a déclaré qu’il ne s’engagerait pas dans des guerres étrangères et des changements de régime. Alors que Trump a perdu le vote populaire contre Hillary Clinton par près de trois millions de voix, il a remporté le Collège électoral avec 304 grands électeurs contre 227.

Trump au pouvoir

Une fois élu, Trump a commencé à communiquer directement avec sa base via Twitter, souvent plusieurs fois par jour. Il a utilisé son pouvoir de président pour prendre le contrôle du Parti républicain et a obtenu son soutien indéfectible en abaissant les impôts des riches de 35 % à 21 %, un transfert de milliards de dollars des travailleurEs vers les riches. Le Congrès étant divisé entre un Sénat républicain et une Chambre démocrate, Trump a gouverné par le biais de décrets et fut souvent en bataille avec les tribunaux. Il a limogé les membres du cabinet et les assistants en désaccord avec certaines de ses decisions, a renvoyé cinq inspecteurs généraux de niveau ministériel et a limogé les chefs des agences de renseignement. Il a mis fin à l’autonomie du procureur général (ministre de la Justice) et en a fait son procureur personnel. Il a fustigé les chefs militaires et ridiculisé les soldats morts au combat en les traitant d’imbéciles et de perdants. Trump n’a pas réussi à faire revenir les emplois industriels mais, avant la crise du Covid, la croissance de l’économie américaine était rapide et le taux de chômage officiel baissa à 3,6 %, soit le niveau le plus bas depuis 1969. Simultanément, les inégalités s’accroissaient et cela a continué avec le Covid (la richesse des milliardaires a augmenté de presque un tiers). Ses trois nominations de trois juges de droite à la Cour suprême changeront probablement la politique américaine pour les décennies à venir. Il a aussi désigné plus de 200 juges fédéraux de droite exauçant les souhaits du parti Républicain.

Beaucoup ont essayé d’utiliser la loi pour mettre Trump au pas. Trump s’est vanté d’« attraper les femmes par la chatte » et 26 femmes l’ont accusé d’inconduite sexuelle, mais il n’a pas été jugé. Pour acheter son silence, il a versé 130 000 dollars à Stormy Daniels avec qui il avait eu une liaison, provoquant un scandale mais pas des problèmes juridiques. La « Trump University », une école-bidon de formation dans l’immobilier, a été contrainte de payer 25 millions de dollars pour régler deux recours collectifs en 2016. Trump a été mis en accusation par la Chambre des représentants en 2019 pour avoir sollicité une ingérence étrangère en sa faveur lors des élections de 2020, mais a été acquitté par le Sénat en 2020. Jusqu’à présent, il a toujours échappé à la justice.

Lorsque la pandémie de coronavirus est arrivée, bien que Trump ait été informé par des experts de la santé de la gravité de la maladie, il a caché la vérité au public, ignoré les recommandations de ces experts, vanté de faux remèdes et constamment déclaré publiquement que l’épidémie était sous contrôle et que le pays devait rouvrir ses entreprises et ses écoles. Trump n’a pas établi de politique nationale face à la pandémie, n’a pas réussi à mettre en place des tests rapides, la recherche des contacts et des procédures d’isolement et de quarantaine. Sa négligence a entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes. Il a même organisé sans précaution un évènement à la Maison Blanche qui entraina non seulement sa propre contamination mais celle de sa femme et d’une partie de son entourage.

Pourtant, malgré tout cela, tout au long de sa présidence, Trump a gardé le ferme soutien d’environ 40 % des électeurs US, bien que récemment, en raison de la pandémie, il ait commencé à perdre le soutien d’une partie de la classe capitaliste, de femmes blanches de banlieue, d’électeurs blancs de la classe ouvrière et de personnes âgées.

Traduction Henri Wilno