L’économie turque souffre, surtout depuis l’année qui vient de s’écouler, d’une crise menaçante. D’après les statistiques officielles, l’inflation sur les produits alimentaires a atteint 32 % en avril 2019. La monnaie turque s’est dépréciée : entre mai 2018 et mai 2019, le dollar a ainsi gagné 40 % par rapport à la livre turque. Dans une économie où l’accès aux produits de première nécessité, y compris les produits alimentaires, est basé sur les importations, une telle fluctuation de la monnaie a créé des difficultés énormes pour obtenir même des produits de base comme les oignons ou les pommes de terre. Et tandis que les prix augmentent rapidement, les chiffres du chômage atteignent les niveaux les plus hauts de ces dernières années. D’après les statistiques officielles de janvier 2019, le chômage a augmenté de 3,9 % en un an, pour atteindre 14,7 %, avec un taux de chômage des jeunes de 24,7 %. Au cours des 10 dernières années, la Turquie a suivi la voie d’une croissance économique reposant sur l’endettement, et les capitalistes turcs ont emprunté des sommes colossales dans des banques étrangères. La dette du secteur privé turc a atteint 247 milliards de dollars, parmi lesquels 123 milliards d’emprunts à court terme.
Plan d’austérité
Dans ce contexte, le ministre des Finances (qui se trouve être le gendre d’Erdogan) a annoncé, juste après les élections municipales, un nouveau plan du gouvernement destiné à mener une prétendue « guerre économique ». En réalité, il n’y a rien de nouveau dans ce programme, sinon son nom. Toutes les mesures d’austérité qu’il contient (le maintien du salaire minimum a un bas niveau, un fonds pour l’assurance chômage, dont les montants seraient réduits, toujours plus de flexibilité dans le monde du travail, la limitation des augmentations de salaires pour les fonctionnaires, etc.) étaient déjà incluses dans le rapport du FMI sur la Turquie, daté d’avril 2018. Le point le plus important est l’annonce, par le ministre, d’une augmentation des taxes pour les salariéEs et d’une baisse des taxes pour les entreprises, mais aussi celle d’une réforme du système de retraites, dont la première étape est la réforme de l’assurance chômage. Le projet consiste en un démantèlement de l’actuel système d’indemnisation, et en son remplacement par des fonds privés, auxquels les employeurs verseraient une somme prélevée sur les salaires. Avec évidemment une réduction considérable des cotisations patronales… Le gouvernement espère que ce fonds d’assurance chômage atteindra 10 % du PIB du pays d’ici 5 ans, soit d’immenses moyens financiers pour des capitalistes turcs déjà endettés. Les travailleurEs turcs paieraient ainsi les dettes de géants de la construction ou de l’énergie, devenus riches grâce à cet endettement qui leur a permis de se développer considérablement au cours des 10 dernières années…
Nouveaux défis pour la classe ouvrière
Cette nouvelle crise économique va en outre confronter la classe ouvrière à de nouveaux défis. Alors que la croissance économique était là, les luttes ont été nombreuses, avec des occupations d’usines ou des grèves sauvages comme dans l’industrie automobile. Les résultats de ces luttes se retrouvent en partie dans les salaires : les salaires brut ont augmenté de 42 % entre janvier 2015 et septembre 2017, alors que l’inflation était, pour la même période, de 23 %. Mais désormais, avec la crise économique, les luttes des travailleurEs vont davantage se concentrer sur la protection des droits acquis que sur la conquête ou l’extension de droits. Toutes les mesures d’austérité annoncées dans le « nouveau programme économique » du gouvernement, ainsi que la possibilité de fermetures d’usines et de suppressions massives de postes, vont mener à des luttes difficiles pour défendre des positions durement acquises.
Metin Feyyaz, traduit par J.S.