Après avoir survécu à 1 000 dangers, arrivés aux frontières de l’UE, les migrantEs se heurtent alors à l’Europe forteresse. Instituée pour protéger les frontières extérieures de l’espace Schengen, elle a pour principal outil Frontex, l’agence européenne des gardes-frontières et gardes-côtes.
Frontex a été créée en 2004 puis développée, en termes d’objectifs et de financements, depuis 2016 après l’année qui a vu arriver un million de réfugiéEs, suscitant la discorde entre des États européens déjà bien divisés sur de nombreuses autres questions. Ses prérogatives sont immenses. Le cœur de ses missions est étroit : empêcher toute immigration « illégale ».
La chasse aux migrantEs est ouverte aux frontières de l’UE
Frontex a pour première mission d’effectuer une « analyse des risques » selon les pays d’origine. Pour l’UE, le risque ce n’est pas la survie, la santé ou l’accueil des migrantEs, mais le danger d’un afflux important d’étrangerEs, la peur d’être débordée par un « grand remplacement » qui ferait trembler l’UE, sa civilisation, sa culture, ses religions chrétiennes…
Frontex assure le contrôle des flux migratoires et la gestion de ceux-ci par des recommandations insistantes auprès des États membres. L’agence peut ainsi intervenir directement dans un État « débordé » (!) si celui-ci le demande, et même s’il ne le demande pas, sur décision du Conseil de l’Europe. Par exemple, en 2018, avec l’opération Minerva, Frontex a envoyé des agents pour aider l’Espagne à mieux contrôler, c’est-à-dire à trier et à mieux renvoyer, des passagerEs arrivant en ferry du Maroc.
L’agence travaille en coopération étroite avec Europol et les polices de chaque État membre. Elle assure une veille permanente et une lutte incessante contre l’immigration clandestine et contre la criminalité transfrontalière dont celle des passeurs. Elle organise les retours contraints des migrantEs, notamment avec des avions qui passent d’État en État pour être remplis, ce qui s’apparente à des sortes d’« expulsions collectives » dénoncées fortement par les associations et les magistrats. Outil administratif, technique et doté de réels pouvoirs, Frontex supplante leur pseudo démocratie européenne. Ce qui fait dire à la Cimade que « Frontex est LA pierre angulaire de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne ».
Elle revendique de nombreux sauvetages en Méditerranée. Elle communique moins sur les dizaines de milliers de morts en Méditerranée ou dans la Manche. Et fait régulièrement porter la responsabilité sur les seuls passeurs.
Une absence totale de contrôle démocratique
L’agence Frontex est complètement indépendante de la seule instance européenne élue de l’UE, le Parlement européen. Ses orientations politiques sont décidées par le Conseil de l’Europe, dans le secret des cénacles de chefs d’État. Elle est juge et partie dans son fonctionnement. Ainsi, des faits de maltraitance de migrantEs ont été dénoncés par plusieurs associations humanitaires, et bien documentés par une enquête large de plusieurs médias, le site Correctiv, le journal The Guardian, la chaine allemande MRD. Des faits très graves comme des jets de spray au poivre, des traques avec chiens, des coups, voire des abus sexuels. L’un des seuls droits des migrantEs qui arrivent sur le territoire, celui de déposer une demande d’asile, a été bafoué, des personnes ont été renvoyées manu militari dès le passage de la frontière, notamment dans les cols du Briançonnais. Des mineurEs non accompagnés ont aussi été rejetés. Malgré des plaintes, l’agence a classé sans suite… Frontex c’est un peu l’idéal pour un proto État autoritaire, un modèle pour les États réactionnaires.
Des moyens financiers faramineux
Le budget de Frontex est en expansion depuis sa création. Pendant les premières années, Frontex utilisait essentiellement des agents des États membres mis à disposition pour une durée déterminée, douaniers, agents des PAF, policiers, informaticiens. Mais en 2019, la Commission européenne a proposé un corps permanent d’agents. Ils sont 5 000 aujourd’hui et seront 10 000 en 2027. Le budget de 1,3 milliard en 2020 doit passer à 5,14 milliards en 2027. Ce budget est consacré aux salaires ainsi qu’à l’achat et/ou l’entretien de technologies militaires. À ce jour, 21 avions, 27 hélicoptères, 116 navires. Ainsi que des matériaux de construction de murs, de centaines de kilomètres de barbelés, de radars mobiles, des détecteurs de CO2, des détecteurs de battements cardiaques, des lunettes de vision nocturne, d’armes létales et non létales…
Avec de plus en plus d’organisations, nous exigeons la suppression de Frontex, la destruction des frontières et de tous les outils de guerre déployés contre des centaines de milliers de réfugiéEs. Il faut supprimer les frontières, employer le budget aujourd’hui bloqué par Frontex dans l’aide, l’accueil, le soutien à tous les étrangerEs qui quittent leur pays.