Publié le Mercredi 16 septembre 2020 à 10h28.

En marche vers l’État autoritaire

En ce temps de déconfinement prudent, Macron et son gouvernement visent sans surprise à retrouver rapidement leur monde d’avant, en particulier par l’injection massive d’argent public dans le redémarrage de l’économie, contribuant ainsi au maintien de profits juteux pour les patrons. Sans réponse pour tous les autres, licenciéEs massivement et de plus en plus paupériséEs. Mais retrouver leur monde d’avant, c’est aussi renforcer ce qu’ils appellent l’ordre républicain. De vieilles recettes sécuritaires, amplifiées dans le cadre de la crise sanitaire.

Le gouvernement refuse de mettre les moyens humains et matériels dans la santé publique pour faire face aux besoins. En corollaire, il fait appel à la « responsabilité individuelle » de chacunE, qui devient seul comptable de sa santé et de celle des autres. En instillant la peur, par l’impossibilité à se faire tester vite, par la publication en boucle de chiffres de la maladie, et aussi de ceux de la délinquance (!), par les consignes parfois contradictoires et les interdictions multiples. Les manquements à la protection sanitaire individuelle sont rudement sanctionnés : 135 euros à la première absence de masque obligatoire dans certains espaces, peine de prison avec sursis à la quatrième. Mais les plus harcelés restent toujours les habitantEs des quartiers populaires soumis au quadrillage policier. Le gouvernement développe consciemment un climat délétère d’insécurité sociale fait de défiance, de division, de casse des liens sociaux et de la solidarité. Arguant de la nécessaire protection sanitaire, il tente de nous habituer à toujours plus de contrôle sur nos libertés, d’intrusion dans nos vies et, finalement, à une gestion sécuritaire pérenne de la société.

La répression, des mots et des actes  

Pour Darmanin, coup de menton à l’appui, il s’agit d’imposer son hyper présence sur l’ensemble du territoire pour « réaffirmer l’autorité de l’État » et « remettre du bleu dans la rue [car] ça rassure les honnêtes gens ». Comme à Calais, où les associations militantes ont maintenant l’interdiction de servir des repas aux migrantEs alors que 30 policiers viennent d’être envoyés sur place pour soutenir la nouvelle compagnie de CRS arrivée cet été ! Ou bien c’est au nom de « l’honneur de la république bafoué » que six jeunes de la banlieue grenobloise sont mis en garde à vue et soumis à un contrôle judiciaire strict alors qu’ils voulaient simplement sauver de la destruction des jardins ouvriers condamnés par la construction d’un énième bâtiment… Des syndicalistes, des jeunes, des Gilets jaunes, des fonctionnaires accomplissant leur travail, sont eux et elles arrêtés, menacés de poursuites, voire condamnés.

Du nouveau dans le maintien de l’ordre ?

Les syndicats de policiers sont satisfaits, ils estiment avoir « enfin » été entendus. En effet, au mépris des nombreux avis négatifs du Défenseur des droits et de la CEDH, les armes utilisées dans les guerres seront toujours autorisées dans le maintien de l’ordre en France. Comme les LBD ou les grenades de désencerclement, qui seront néanmoins remplacées par un nouveau modèle « réputé moins dangereux », parole de Darmanin ! Le floutage des visages des policiers, exigé depuis longtemps par leurs syndicats, pourrait devenir obligatoire dans tous les visionnages d’après manif. « Contreparties » : les appels de la police à dissolution de manifs devront être plus audibles, la durée des nassages pourra être réduite, et les autorités policières devront essayer de mettre en place des structures de dialogue avec des manifestantEs (un comble !). Le message est clair : dissuasion et répression de la contestation de rue et soutien inconditionnel aux policiers. Ou comment tout faire pour mater, si elles n’ont pu être bloquées avant par les nombreuses restrictions administratives, les vagues de colère sociale avant 2022   

Un grand pas vers un néocolonialisme décomplexé

Après l’agitation autour des listes « communautaires » aux municipales, « l’ensauvagement » de certains territoires et la nécessité d’éviter la « guerre civile », Macron est allé commémorer les 150 ans de la proclamation de la 3e République. Celle de la sanglante répression de la Commune, celle aussi de l’extension et de l’approfondissement de la colonisation. C’est ce moment qu’il a choisi pour annoncer un projet de loi contre le « séparatisme », « islamiste » essentiellement, qui sera en débat cet automne. De quoi renforcer encore un peu plus la stigmatisation des musulmanEs et les discriminations, et tenter de détourner l’attention du développement inédit de la pauvreté et des inégalités, des plans de licenciement massifs, de la casse de tous nos biens communs, de l’augmentation des violences contre les femmes et les enfants, de leur mise en œuvre d’une transition énergétique capitaliste… Et de nos luttes !

En développant une ligne politique forte autour de la sécurité, de l’immigration et du « communautarisme », Macron s’engage franchement sur le terrain du Rassemblement national. Incitant ainsi à la surenchère verbale de celui-ci et aux passages aux actes violents de groupuscules fascisants.