Publié le Mercredi 25 septembre 2024 à 18h30.

Combattre l’austérité, défendre la Sécu

La fonction du gouvernement Barnier est, pour Emmanuel Macron, de poursuivre, malgré sa défaite aux législatives, les politiques libérales d’austérité et de privatisation menées depuis 2017. L’échéance immédiate consiste pour lui à obtenir le vote, avant la fin de l’année, du budget de l’État et la loi de financement de la Sécurité sociale. 

Un débat en trompe-l’œil

Les tensions apparues, lors de la constitution du gouvernement, entre macronistes refusant toute augmentation d’impôts et Barnier défenseur d’un effort « partagé » et de plus de « justice sociale », portent seulement sur la meilleure manière de faire accepter l’austérité.

Selon la formule de Romaric Gaudin « les proches de Michel Barnier estiment que les dégâts sociaux et politiques sont tels qu’il faut une stratégie de contournement pour pouvoir poursuivre cette politique de classe » 1.

Quelques mesures conjoncturelles (taxation provisoire de grandes entreprises et des plus fortunés) apparaissent aujourd’hui nécessaires... pour faire avaler la poursuite de la destruction des services publics et de la protection sociale. Il s’agit de créer ­l’illusion que « tout le monde » est mis à contribution. Les premières indications transmises par le nouveau Premier ministre confirment, derrière cet écran de fumée, la volonté de tailler toujours plus (10 ou 15 milliards ?) dans les dépenses publiques (à l’exception bien sûr de l’armée et de la police).

La Sécu au cœur des politiques d’austérité

Si le débat public se concentre actuellement sur le vote du budget de l’État, les politiques d’austérité couvrent un domaine beaucoup plus vaste. Les collectivités locales sont contraintes chaque année de faire plus avec moins et d’économiser sur leurs missions de service public. Mais c’est la Sécurité sociale qui reste une cible déterminante pour ce gouvernement, en raison de son rôle central dans la répartition de la richesse produite entre salaires et profits.

Le budget de la « Sécu », c’est une masse de 640 milliards d’euros 2, plus du quart du PIB (richesse produite) du pays. Elle reste encore aujourd’hui financée à 56,4 % 3 par des cotisations sociales, c’est-à-dire une partie de la masse salariale que les patrons sont dans l’obligation de verser aux caisses de Sécurité sociale pour financer des besoins sociaux fondamentaux : l’éducation des enfants (allocations familiales), la santé, les retraites.

Transformer ces droits sociaux pour toutes et tous en une assistance minimum « aux plus démunis », en reporter le financement sur des impôts injustes pour maintenir les profits a été l’enjeu des contre-réformes pratiquées par tous les gouvernements « de droite » ou « de gauche ».

Qu’il suffise ici de rappeler que les allègements de cotisations sociales s’élèvent aujourd’hui à la somme vertigineuse de 83 milliards d’euros dont sont privées les caisses de retraites et le système de santé. Une somme à mettre en face du prétendu « déficit » de 16,6 milliards de la Sécurité sociale annoncé pour 2024.

Étatisation et fiscalisation au service des politiques libérales

La Sécurité sociale, fondée en 1945 comme institution au moins partiellement indépendante de l’État, financée par des cotisations et sous le contrôle des représentantEs éluEs des assuréEs sociaux a été démantelée au fil du temps au moyen de deux outils complémentaires : la fiscalisation et l’étatisation.

En créant la CSG, en 1990, le gouvernement de Michel Rocard (PS) a ouvert la voie à une transformation en impôt (avant tout payé par les salariéEs et retraitéEs) des cotisations versées par les employeurs. Les gouvernements successifs ont poursuivi dans cette voie. Aujourd’hui le MEDEF veut aller encore plus loin en instaurant une TVA dite « sociale » (l’impôt le plus injuste) à la place des cotisations.

En instaurant le vote chaque année des lois de financement de la Sécurité sociale par le Parlement, la réforme Juppé de 1995 a définitivement privé les assuréEs sociaux de toute forme de contrôle sur les dépenses et recettes de la Sécu. La Sécurité sociale est devenue pour le ministère des Finances une sous-branche des « comptes publics » dont il a la gestion.

« La Sécu, elle est à nous » !

Face à un gouvernement illégitime qui entend poursuivre une austérité aggravée, il faudra des mobilisations à l’occasion du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale, pour imposer le retrait de la réforme des retraites et le financement du système de santé à la hauteur des besoins. Elles doivent se situer dans la perspective de réappropriation de leur « Sécu » par les assuréEs sociaux qu’illustre la formule si souvent scandée dans les manifestations « la Sécu, elle est à nous ».

J.C. Delavigne

 

  • 1. Romaric Gaudin, « Hausses d’impôts : le faux débat entre Attal et Barnier », Mediapart : https://www.mediapart.fr…
  • 2. Le budget de l’État s’élève à 492 milliards en 2024.
  • 3. Les chiffres clés de la Sécurité sociale 2023.