Publié le Mercredi 21 octobre 2020 à 10h27.

Le couvre-feu et ses conséquences

Pour annoncer la suspension de la libre circulation des habitantEs d’Île-de-France et de huit métropoles, Macron a volontairement employé un terme à connotation guerrière : le couvre-feu. Il n’est pas certain que ce remède militaire contre le coronavirus aboutira à des résultats sanitaires tangibles, mais il est probable que les effets secondaires seront déplorables.

Plusieurs scientifiques ont fait connaître leurs doutes sur l’efficacité du couvre-feu imposé entre 21 heures et 6 heures. Pour Michèle Legeas, enseignante à l’École des hautes études en santé publique, spécialise de l’analyse et de la gestion des situations à risques sanitaires, aucune étude ne permet de démontrer que le couvre-feu limitera la circulation du virus ni que les risques de transmission sont plus élevés la nuit lors de nos activités de loisirs, que le jour lorsque nous allons travailler, ou étudier souvent en prenant les transports. On ne sait pas encore tout de la transmission de ce virus, mais on sait qu’elle est très liée au fait de passer du temps à proximité d’un porteur du virus.

Le système de dépistage est un fiasco

Selon l’épidémiologiste Catherine Hill, le couvre-feu est une mesurette, le virus circule tandis que beaucoup de gens continuent à se promener, travaillent, prennent les transports en commun, rentrent dans les magasins, croisent des gens. Le système de dépistage est un fiasco, la seule solution serait d’avoir une stratégie qui fonctionne, mais en ce moment on attend que les gens soient symptomatiques, plus le temps d’aller voir un médecin, plus le temps d’être testés, plus le temps d’obtenir le résultat du test... et on leur dit qu’ils sont contagieux au moment où ils ne le sont plus ! Catherine Hill prône des tests groupés en mettant les prélèvements de 20 personnes dans un seul tube et en cherchant s’il y a du virus dans ce tube, ce qui permettrait de tester 10 ou 20 millions de personne par semaine. Même si ces tests ne sont pas parfaits, on trouverait le maximum de gens contagieux avant qu’ils aient contaminé autour d’eux. Si on avait réagi correctement début septembre en organisant la priorisation des tests, le traçage des cas contacts et leur isolement complet on n’en serait pas là, confirme l’ancien directeur général de la santé. C’est aussi pour répondre aux desiderata du Medef que Macron limite l’usage du télétravail. Cette pratique n’est certes pas la panacée, et soulève d’autres questions, mais en période d’épidémie, la restriction de son usage est une mise en danger d’autrui.

Le profit au détriment de la liberté, de la santé et de la vie

Santé publique France, un organisme gouvernemental, indiquait dans son point hebdomadaire du 8 octobre que les entreprises sont les premiers foyers de transmission du Covid (25 %), suivies des établissements scolaires et universitaires (21 %) et des événements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes (17 %). Macron et Véran, son ministre de la Santé, connaissent ces données et ils n’ignorent pas l’état dramatique du système de santé. Macron, interpellé par des soignantEs, a affirmé que les hôpitaux ne manquent pas d’effectifs mais souffrent de problèmes d’organisation, il a donc uniquement reconnu dans son show télévisé que leurs situations étaient « préoccupantes ». Son souci essentiel est que « l’on sauve l’économie » et pour cela que « l’on continue notre vie sociale… au travail. »

Avec les limites temporelles imposées par le gouvernement, la vie sociale se réduira pendant plusieurs semaines au « métro, dodo, boulot » sous contrôle policier pour sauver le capitalisme. Les temps de loisirs sont aussi réglementés, avec la « règle des six personnes », mais il est possible de travailler en open space, alors que les règles de distanciation ne sont pas toujours respectées, y compris dans les organismes de sécurité sociale chargés de tracer la transmission du virus.

100 milliards pour les patrons, 800 millions pour les pauvres

Début octobre France Stratégie, une institution rattachée auprès du Premier ministre constatait que « la crise sanitaire a touché en particulier les plus démunis qui ont rencontré des difficultés importantes en matière de subsistance, de santé, ou encore d’accès à l’éducation à distance durant le confinement ».

Les associations de lutte contre la pauvreté ont annoncé un million de pauvres supplémentaires engendrés par le confinement. Elles ne se sont hélas pas insurgées mais ont vivement critiqué le gouvernement. Le délégué de la fondation Abbé Pierre a constaté que « c’est le prolongement de la politique menée depuis deux ans et demi : coupes dans les APL et le logement social, et refus de revaloriser le RSA et de l’ouvrir aux 18-25 ans ». 1,3 million de personnes « venues parfois après plusieurs jours de jeûne » ont sollicité une aide du Secours populaire. La Fédération des acteurs de la solidarité prévoit au moins un million de pauvres supplémentaire l’an prochain, qui s’ajouteront au 9,3 millions de personne vivant déjà sous le seuil de pauvreté monétaire (1 063 euros par mois et par personne). Mais il n’est pas question pour Macron de changer de politique, il rappelait à la télévision le 15 octobre que « Nos fondamentaux, c’est la lutte contre la pauvreté par le retour à l’activité et le travail. » La présidente du Secours catholique avait déjà répliqué à ce discours : « Ce n’est pas possible d’être aussi fermé, de rester entêté sur des théories voulant qu’aider les entreprises finira par ruisseler sur les pauvres et que si on aide les gens, ils retourneront moins vers le travail… » Et pourtant : dans le « plan de relance » de 100 milliards d’euros annoncé en septembre, ce sont à peine 800 millions d’euros qui sont consacrés aux plus démuniEs, dont 533 millions d’euros pour la hausse exceptionnelle de l’allocation de rentrée scolaire.