À la campagne comme au pied des tours, la désertification médicale s’aggrave. Les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent. Impossible de trouver un médecin traitant pour 7 millions de personnes, dont 650 000 en affection de longue durée, tandis que l’effondrement des petites urgences en ville sature les urgences hospitalières.
Une pénurie qui va s’aggraver quand on sait que 47 % des médecins ont plus de 55 ans, et que seuls 7 984 postes d’interne ont été ouverts cette année, alors que Gabriel Attal avait promis dans le Parisien de former 16 000 médecins par an d’ici 2027 !
Former et titulariser
La première exigence, c’est de former plus de médecins et de professionnels de santé. C’est un tout autre chemin que suit le projet de budget d’austérité de l’État et des universités, alors qu’il faudrait un plan pluriannuel avec des moyens, pour aller très vite vers 16 000 médecins formés chaque année. La deuxième exigence, c’est celle d’un salaire étudiant pour touTEs, couplé avec un engagement de service public, dans une filière élitiste qui compte moitié moins de boursiers que les autres filières universitaires. Le meilleur moyen d’avoir des installations dans les banlieues populaires et à la campagne, c’est de former des jeunes qui en sont issus et qui y feront aussi leur formation !
Mais former un médecin prend au moins 10 ans. Alors, il y a urgence à multiplier les formations passerelles pour permettre aux infirmierEs de devenir médecins, et de reconnaître les diplômes des Padhue (PraticienNEs à diplômes hors Union européenne) qui font vivre l’hôpital depuis des années avec des statuts précaires et mal payés. Ils représentent jusqu’à 8 % des inscriptions à l’Ordre des médecins.
Un service public de santé communautaire, avec les usagerEs !
Profitant de la pénurie, organisée par tous les gouvernements libéraux, fleurissent les solutions de « médecine sans médecin ». Une ubérisation, synonyme de financiarisation, qui menace autant la qualité de prise en charge des patientEs que la qualité du travail et l’indépendance des professionnels. Alors le mouvement social doit porter ses propres réponses à la pénurie, à la répartition inégale et à l’exercice solitaire de la médecine libérale, centré essentiellement sur le curatif et le paiement à l’acte. D’autant que le vieillissement de la population et les polypathologies chroniques imposent une autre organisation de la médecine de ville, avec les patientEs au centre du dispositif, notamment d’éducation à la santé, les travailleurEs sociaux, l’école… Une solution globale, qui passe par la création d’un service public de santé de proximité, de centres de santé communautaire, prenant en charge le soin pluridisciplinaire, physique et psychique, la prévention, la formation des futurs médecins, la recherche, la démocratie sanitaire, en lien avec l’hôpital, dans le cadre de la gratuité permise par un 100 % Sécu.
Ces centres de santé publics doivent d’abord ouvrir dans les déserts médicaux pour constituer demain un véritable service public de santé de proximité sur tout le territoire. Des centres de santé publics de proximité assurant aussi les petites urgences de début de nuit. Avec des médecins salariés, déchargés donc des tâches administratives chronophages de la médecine libérale, dont l’indépendance serait garantie, avec un temps de travail, des vacances, repos compensateurs et congés de maternité garantis. Une solution bien plus efficace qu’une contrainte ajoutée à l’installation des libéraux, toujours contournée en situation de pénurie, et susceptible d’attirer les jeunes médecins qui se détournent de l’exercice libéral, pour en finir avec les déserts médicaux.
Frank Prouhet