Publié le Vendredi 12 mai 2023 à 07h00.

Pour un service public de santé de qualité

La crise du covid n’a en rien enrayé la casse de l’hôpital public. L’utilisation quasi automatique du 49.3 a imposé un budget hospitalier qui ne couvre pas l’inflation, ce qui mathématiquement entraîne des plans d’économies avec des fermetures de lits et des suppressions de postes.

On ne compte plus les services d’urgences qui ferment totalement ou partiellement. Au moins 120 services d’urgences ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparaient en mai 20221. Quant à ceux qui restent ouverts, il faut souvent passer par la régulation (le 15) pour y accéder. Si on a la « chance » d’être admisE aux urgences, une prise en charge rapide est loin d’être acquise pour autant. Il n’est pas rare de voir des malades rester des heures sur un brancard en attendant d’être auscultéEs. Dans ces situations, les pertes de chances pour les patientEs sont importantes.

Le syndicat Samu-Urgences de France a fourni une estimation du nombre de « morts inattendues », c’est-à-dire de patientEs décédés sans avoir pu être pris en charge correctement. Ils seraient plus de 150 à travers toute la France rien qu’au mois de décembre 2022. Nous ne parlons ici que des services d’urgences. 

Dans les faits, en raison du manque d’effectif médical et paramédical, l’hôpital public est en train de sombrer. Partout, c’est la catastrophe : les délais pour obtenir une consultation s’allongent inexorablement, de nombreux services arrivent à peine à fonctionner avec des lits fermés : « Des enfants en situation d’urgence ne peuvent plus être pris en charge par les services compétents […] À terme, on constate une perte de chance pour l’enfant qui a besoin de soins, pour les parents confrontés à la maladie chronique, et un épuisement des soignants », expliquait Isabelle Desguerre, chef du service de neuropédiatrie à l’hôpital Necker-Enfants malades, dans un article du Monde du 29 octobre 2021. La situation a malheureusement empiré depuis !

Les fermetures sont à tous les niveaux

En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés, et entre 2013 et 2020 ce sont 19 000 lits qui ont été supprimés à l’hôpital public2. Plus problématique encore, ces fermetures se sont accélérées en 2020, en pleine crise du covid : au total, 5 700 lits ont été fermés cette année-là, soit une baisse de 1,2 % par rapport à 2019. Et ça continue ! Presque tous les hôpitaux fonctionnent en mode dégradé. Par exemple, à l’hôpital Nord Mayenne, des réaménagements ont concerné les services de chirurgie orthopédique à partir de décembre 2021, puis ceux des soins intensifs en janvier 2022 et enfin la chirurgie viscérale en décembre 2022. Il faut entendre par là des fermetures de lits et à terme la fermeture de la chirurgie. Fermeture démentie par la direction qui admet cependant la fin de l’hospitalisation complète en orthopédie3. En 2022, deux services de médecine ont fermé « temporairement » selon la direction de l’hôpital de Château-Chinon dans la Nièvre. Les hôpitaux parisiens ne sont pas en reste pour les fermetures, même partielles. À l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), 18 % des lits sont fermés. Pire, plutôt que de rénover les hôpitaux Bichat et Beaujon, il est prévu un hôpital Grand Paris Nord avec à la clé 400 lits voués à la fermeture… soit l’équivalent d’un hôpital. La fermeture d’un hôpital de jour psychiatrique est programmée dans le 8e ­arrondissement de Paris.

Fermeture de services, privatisation des plus rentables

Un rapport remis à l’Académie de médecine préconise la fermeture de 111 services de maternité qui réalisent moins de 1 000 ­accouchements par an.

Après quinze jours d’application de la loi Rist, qui limite les émoluments des médecins intérimaires à l’hôpital, on constate des ruptures de services publics partout : des maternités qui ferment sans préavis, comme à Mayenne ou Sarlat, des services d’urgences qui n’accueillent plus, la liste est longue… La maternité de Carhaix est également menacée.

Si une diminution de l’intérim et une lutte résolue contre le mercenariat s’imposent, l’application de la loi sans préparation, sans traiter les causes, traduit la volonté gouvernementale de l’utiliser pour fermer des services hospitaliers, et faire en sorte de réduire de manière drastique le nombre d’hôpitaux afin qu’il n’y ait qu’un seul hôpital par département. Cette stratégie est utilisée pour fermer des services hospitaliers publics et privilégier le secteur privé dans les secteurs rentables où les profits sont possibles, car la loi Rist ne s’y applique pas4 ! 

Le scandale Orpéa a mis en lumière la situation alarmante dans de nombreux Ehpad. Le personnel travaille toujours dans l’insécurité et les personnes âgées sont souvent victimes de maltraitances institutionnelles. Les raisons de ce cataclysme sont parfaitement connues : manque de moyens, privatisation de la santé publique en commençant par exiger d’elle qu’elle soit rentable.

Une fois le cercle vicieux commencé, les conséquences apparaissent : démotivation des personnels hospitaliers, surcharge de travail, travail empêché, démissions, difficulté de recrutement après avoir réduit durant des années l’accès aux professions médicales et paramédicales. Rappelons que 40 % des aides-soignantEs et 20 % des infirmierEs partent à la retraite avec un taux d’invalidité plus ou moins important. À cela s’ajoute le refus de supprimer Parcoursup pour l’entrée dans les écoles professionnelles des métiers de la santé, qui est à l’origine d’un taux d’abandon et d’échec qui atteint notamment 25 % pour la formation infirmière. 

Vers un système de santé public et gratuit

Si importante que soit la question des moyens pour l’hôpital public, elle n’est qu’un aspect de la crise du système de santé qui doit être entièrement repensé, pour permettre l’accès de toutes et tous à des soins de qualité dans et hors l’hôpital. 

Elle ne peut être dissociée de la crise d’une médecine de ville essentiellement libérale qui éclate avec l’extension des déserts médicaux.

Lure doit être l’occasion d’ouvrir la discussion sur la reconstruction d’un système de santé public, gratuit, incluant la prévention, le soin à l’hôpital et en ville, notamment avec la création de centres de santé publics, un système financé à 100 % par la Sécurité sociale.

  • 1. Selon une liste établie par l’association Samu-Urgences de France (SUdF)
  • 2. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
  • 3. Fermeture de plusieurs services d’ici fin 2022, inquiétude au Centre hospitalier du Nord Mayenne (francebleu.fr)
  • 4. Communiqué de la Coordination nationale : « Alerte ! Hostos fermés ! Préférence donnée au privé ! » – Coordination Nationale des comités de défense des Hôpitaux et Maternités de proximité (coordination-defense-sante.org