Pourquoi avoir décidé de rééditer ce texte que Victor Serge a écrit en 1925 ? Quel intérêt de connaître les procédés de la police secrète tsariste, l’Okhrana,qui pourchassait les révolutionnaires au début de xxe siècle ? Voilà quelques questions qui viennent légitimement à l’esprit en commençant ce livre.
Mais après tout, il n’est jamais inutile de connaître les méthodes de nos ennemis. On apprend donc que la police tsariste agissait principalement de deux manières: la provocation et l’infiltration. Serge, qui était responsable après la révolution russe de 1917 des archives de l’Okhrana, dévoile comment des agents de cette police secrète infiltraient les différentes organisations et prenaient part aux actions. Ainsi, le pope Gapone, dont le rôle fût primordial lors de la révolution de 1905, en faisait partie.
Le texte de Serge, qui revient également sur la question de la répression après la révolution, a parfois des accents très actuels. C’est bien d’ailleurs ce qu’explique Francis Dupuis-Déri dans sa longue postface.
De Seattle en 1999 au sommet de l’Otan à Strasbourg en mars 2009, les méthodes de la police à l’encontre de ceux qui sont identifiés comme des ennemis du système ont peu changé.
De Julien Coupat qui a croupi plusieurs mois en prison sans raison à la criminalisation du mouvement social (Conti, EDF, lycéens et professeurs désobéisseurs), en passant par les flics qui infiltrent les manifestations et attaquent les cortèges ou les CRS, décidément les ressemblances sont frappantes. Et cela se passe dans tous les pays.
En prendre conscience ne signifie pas tomber dans une paranoïa paralysante, mais permet de connaître les risques pour les réduire au maximum.
Dominique Angelini
Zones/La découverte, 177 pages, 14,50 euros