Publié le Mercredi 5 juin 2019 à 12h56.

Concert dessiné, par Blast x Benjamin Flao

Création coproduite par le Collectif Pince-Oreilles et le Périscope de Lyon.

C’est une rencontre qui coule de source. Le trio de jazz électrique Blast revendique l’influence de la bande dessinée, au point d’avoir tiré son nom de l’album culte de Manu Larcenet et de rendre régulièrement hommage en musique à Pascal Brutal, le héros improbable de Riad Sattouf. De plus, les nombreuses voix off émaillant ses disques montrent son goût pour les récits, s’il était besoin de guider l’auditeurE plus loin dans des paysages instrumentaux déjà évocateurs. De son côté, Benjamin Flao, flèche montante de la BD hexagonale, a également réalisé de nombreuses pochettes de disques et affirme une approche musicale dans son geste créatif.

Collaboration pluridisciplinaire réussie

Le concert dessiné qui les réunit est un exemple de collaboration pluridisciplinaire réussie, n’étant pas seulement – c’était le piège – une juxtaposition de deux discours parallèles. Ils ne sont pas placés de part et d’autre de l’écran comme habituellement lorsque des musicienEs sont en présence d’images projetées. Ici le groupe y fait face, assumant de tourner le dos au public et de délaisser à cette occasion ses compositions les plus construites pour s’inspirer librement des dessins en construction qu’il découvre en même temps que nous.

Pendant le titre Forbidden planet, on se dit que les performances de Pink Floyd et de Soft Machine à Londres en 1967, accompagnés d’un light show psychédélique, devaient ressembler à ça. Flao joue avec les couleurs mais aussi avec les textures, faisant se mouvoir en rythme des nébuleuses cosmiques... à moins que ce ne soit une bataille de molécules... 

Mais ne citer que ce moment du spectacle serait insuffisant et passerait injustement sous silence l’exceptionnelle maîtrise du dessinateur. Par une étonnante économie de mouvements, il déroule devant nos yeux des scènes déroutantes et fortes, des paysages désertiques que l’on imagine post-apocalyptiques. Sont mis en scène des animaux inconnus ou des tribus anthropomorphes, dans des histoires dévoilées par étapes, improvisées mais non dénuées de coups de théâtre et d’humour.

En matière de maîtrise, Blast n’est pas en reste. Si le dispositif semble aussi relativement épuré (clavier, clarinette, batterie), la palette sonore paraît infinie, chacunE poussant son instrument à ses limites, autant dans les tessitures que dans les styles de jeu et les traitements électroniques, mais préservant toujours la musicalité. Formidables musicienEs au nombreux projets parallèles, celui-ci se distingue des autres en étant celui qui s’avance le plus loin du jazz vers le rock et l’électro, tout autant poétique qu’énergique, à la fois sensible et exaltant. Et, si autant d’improvisation retient un peu ces interprètes de nous montrer ici toute l’étendue de leur talent de composition, nous ne manquerons pas de nous procurer leurs disques 1, histoire de ne pas oublier que Benjamin Flao et Blast peuvent aussi se déguster séparément. 

Benjamin Croizy

1 – https://collectifpinceoreilles.com