De Nat Turner, traduit par Michaël Roy. Allia, 2017, 6,50 euros.
À l’occasion de la sortie du film The Birth of a Nation (voir ci-dessus), les Confessions de Nat Turner sont rééditées. Le 21 août 1831, Nat Turner, habitant du comté de Southampton en Virginie, décide avec d’autres esclaves comme lui de prendre les armes contre leurs maîtres blancs. En deux jours, ils vont de plantation en plantation et assassinent de sang froid hommes, femmes et enfants. Pendant 36 heures, rejoint par une soixantaine d’autres esclaves ou par des Noirs libres, ils tuent cinquante-cinq personnes, pour les deux tiers des femmes et des enfants.
Puis, tous les insurgés sont faits prisonniers ou tués par la milice locale tandis que des représailles féroces s’exercent contre l’ensemble de la population noire. Nat Turner, seul des rebelles à être parvenu à s’échapper, est capturé le 30 octobre, remis au shérif de Jerusalem (la ville principale du comté), jugé, et condamné à la pendaison. Il sera exécuté le 11 novembre.
Emprisonné, il reçoit la visite de l’avocat Thomas R. Gray et lui raconte la ferveur religieuse qui a motivé son « œuvre de mort », la mission dont depuis son enfance il se sent investi. Il décrit les préparatifs, la fuite, les morts, le besoin de violence, seule façon de briser l’oppression barbare dont il est victime et qui le nie. Il trouve la force et la justification de cette violence libératrice dans une vision apocalyptique de la lutte du bien contre le mal, une vision « d’esprits blancs et d’esprits noirs en train de se battre tandis que le ciel s’obscurcissait » : « le jour du jugement était proche ».
Les Confessions sont un récit à deux voix : celle d’un esclave, condamné à mort pour avoir organisé une rébellion et celle d’un fils de planteur blanc, propriétaire d’esclaves. Une surprenante contradiction qui ne peut enlever au récit sa force accusatrice, à ce que l’on perçoit de la personnalité de Nat Turner, sa puissance révolutionnaire.
Après son exécution en novembre 1831, Thomas R. Gray publiera le récit qu’il a recueilli sous le titre de Confessions de Nat Turner : ce document historique fut l’un des premiers à faire entendre une voix noire. La peur des blancs esclavagistes des États du Sud durcit la sordide législation sur l’esclavage jusqu’à la guerre de Sécession.
Yvan Lemaitre