Musée de l’Orangerie à Paris, jusqu’au 19 février 2018.
Pendant des siècles, il n’y a eu d’« art » qu’occidental ou, pour les plus cultivés, islamique et asiatique. À la fin du 19e siècle, un certain intérêt pour les objets africains commence à apparaître. L’exposition Dada Africa a pour ambition de décrire le changement de perception des arts dits « nègres » durant la décennie 1915-1925 en le reliant au contexte global de la période.
1914-1918 : la France impérialiste mobilise en masse les habitants de ses colonies : environ 150 000 tirailleurs « sénégalais » débarquent. Pour beaucoup de Français, c’est la première occasion de voir réellement des Africains. Ils seront bientôt rejoints par les Afro-américains des troupes US.
La guerre en arrière-plan
La guerre est l’arrière-plan de l’exposition Dada Africa qui débute par des extraits de films d’époque sur le port du masque à gaz et sur les troupes françaises d’Afrique.
En 1916 naît à Zurich le mouvement Dada, qui regroupe écrivains et artistes de différents pays se tenant à l’écart de la fièvre patriotique et rejetant la barbarie guerrière. Ses membres s’intéressent fortement aux arts d’Afrique et d’Océanie. Certaines de leurs œuvres s’en inspirent. En 1917, en Suisse, a lieu la première exposition où des objets africains sont présentés comme des œuvres d’art.
Les bases principales du mouvement Dada sont Zurich et Berlin. Les zurichois s’en tiennent plutôt à une « critique artiste » de la guerre et de la bourgeoisie. Les berlinois, plus directement politiques, dénoncent le nationalisme et le militarisme. En 1915, Carl Einstein publie « Negerplastik » (la sculpture nègre) qui met la valeur artistique de l’art africain au même rang que l’art européen (Carl Einstein fut non seulement un intellectuel brillant mais aussi un militant qui, entre autres, combattit dans la colonne Durruti de miliciens anarchistes durant la guerre d’Espagne).
L’exposition permet de confronter de nombreux objets d’art africain et des productions de participants directs ou indirects du mouvement Dada. Elle se poursuit par les surréalistes, eux aussi fascinés par les productions africaines et d’Océanie. Il aurait pu être mentionné que cette démarche artistique se doublait chez ces derniers d’une dénonciation intransigeante du colonialisme français.
Avec ses limites, l’exposition est fort intéressante, tant par les œuvres exposées que par la réflexion à laquelle elle incite.
Henri Wilno