Jusqu’au 31 juillet 2016 à la Cité des sciences de la Villette (Paris 19e).
La Cité des sciences de la Villette et le Muséum d’histoire naturelle nous font découvrir la pensée de Darwin et la formidable révolution scientifique de sa théorie de l’évolution.
Dans un magnifique décor végétal et animal de reproductions du 19e siècle, nous suivons Darwin au long d’une vie au cours de laquelle, le scientifique, le naturaliste et l’humaniste anti-esclavagiste, a élaboré sa compréhension des mécanismes de l’évolution. Nous assistons à sa longue et patiente mise en relation des données de ses observations et études personnelles aux connaissances scientifiques de son époque, où géologie, anthropologie, paléontologie, biologie… connaissent un essor sans précédent en lien avec la révolution industrielle anglaise.
Son tour du monde de naturaliste sur le Beagle, et l’observation de milliers d’espèces animales lui permettent de comprendre le rôle de la sélection naturelle comme mécanisme majeur de l’évolution.
Darwin s’attache à apporter les preuves de l’évolution par un travail colossal d’observations, d’expérimentations, d’étude des techniques des éleveurs anglais qui sélectionnent des caractères particuliers chez les pigeons ou les chiens… Il tient à ce que l’Origine des espèces en 1859, qui expose sa théorie de l’évolution, réponde à toutes les objections, les critiques de ses détracteurs, et en particulier celles de l’Église, pilier de la société victorienne, dont le dogme d’un monde d’origine divine, vieux de 6 000 ans et peuplé d’espèces fixes et immuables, se trouve ruiné.
Darwin s’affranchit des préjugés de son époque en osant voir la nature telle qu’elle est. Vingt ans après l’Origine des espèces, en 1871, il pousse les conséquences de l’évolution jusqu’à… l’homme, partie intégrante du monde animal dont il est issu, dans La filiation de l’homme et la sélection liée au sexe.
« Un enjeu politique »
On découvre enfin une partie moins connue de la pensée de Darwin, qui intègre l’éthique, la culture humaine, non comme une morale extérieure à la nature, mais inscrites dans les mécanismes mêmes de l’évolution, par la sélection de comportements sociaux basés sur la coopération, la base du succès de l’espèce humaine.
Dès son origine, la théorie matérialiste et humaniste de Darwin a fait l’objet de déformations, de caricatures. Spencer, l’inventeur du darwinisme social, qui la réduisit à la concurrence et à la loi du plus fort, y vit la justification du libéralisme... Le propre cousin de Darwin, Galton, utilisa la sélection naturelle pour justifier ses élucubrations racistes et eugénistes, partisan de la stérilisation des pauvres… pauvres parce qu’« inaptes ».
C’est à ces idées qui perdurent encore aujourd’hui et à l’ignorance de la pensée réelle de Darwin que veut s’attaquer le concepteur de l’exposition, éric Lapie : « Il y a un enjeu politique, lié au contexte actuel, de la compréhension de Darwin et du darwinisme. Quand j’entends des discours qui prétendent s’appuyer sur lui... dans le cadre d’un plan de licenciements dans une entreprise et où on nous ressort l’antienne des " plus aptes ", de " la lutte pour la vie ", ou de la " sélection naturelle "... je me dis qu’il est plus que temps de déconstruire ces discours trompeurs ».
Un remarquable voyage dans une pensée matérialiste riche et féconde. à faire absolument !
Christine Héraud