Publié le Samedi 21 février 2015 à 16h01.

Exposition : « Filmer la guerre. Les soviétiques face à la Shoah (1941-1946) »

Mémorial de la Shoah - Paris, jusqu’au 27 septembre 2015

Les soviétiques face à des crimes d’État... « Filmer la guerre » dit le titre de cette exposition exceptionnelle, sous-titrée « Les soviétiques face à la Shoah (1941-1946) » : c’est que plusieurs objets s’y mêlent.Dés la fin 1941 et leurs premières contre-­offensives, les soviétiques ont trouvé les restes de massacres abominables qui semblent les avoir sidérés. Les photographes et les opérateurs du cinéma de guerre, puis bientôt de véritables commissions d’enquête (« TchéGuéKa ») recueillent alors des masses d’images insoutenables. Au fur et à mesure des avancées vers l’Allemagne, de 1942 à 1945, ces témoignages s’accumulent, bien avant que les Occidentaux n’y soient confrontés à leur tour. Les autorités staliniennes font un usage somme toute modéré de ce matériel effrayant : à l’étranger pour mobiliser l’aide des juifs américains, et surtout à l’intérieur pour galvaniser la résistance et appeler à la vengeance populaire contre l’Allemand. Mais, en interne, cette propagande de guerre antinazie met soigneusement sur le même plan le sort de tous les peuples de l’URSS. Celui des juifs n’est presque jamais mis en avant, pour tout un ensemble de raisons : par crainte de banaliser les arguments de la propagande nazie, mais aussi pour mieux camoufler les crimes soviétiques de Katyn, alors dénoncés par les nazis, mais que les staliniens le leur attribuaient.

Pourtant la collecte est lancée : des témoignages hallucinants qui aboutiront par exemple au Livre noir d’Ehrenbourg et Grossman, alors que bougent à toute allure les relations entre Russes, Ukrainiens, Polonais, juifs et alliés occidentaux. Les réalisateurs soviétiques montent leurs films documentaires sous un contrôle vigilant et filment des reconstitutions dont bien peu seront jugées présentables, mais les errances de la censure, conservées en archives, laissent aussi voir des hésitations et des remords où se dessinent les traces d’autres crimes.

Basée sur une documentation impressionnante, globalement jamais vue, l’exposition est présentée sous haute protection militaire au Mémorial du martyr juif inconnu mais, nuancée, émouvante et franchement bien faite, malgré un local exigu, elle peut être victime de son succès. Donc à visiter sans traîner. En principe gratuite, si vous avez un ou une russophone sous la main, emmenez le/la, mais pas les enfants...

Arthur MalblancMémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e, métro Pont-Marie ou Saint-Paul