Publié le Mercredi 15 avril 2020 à 13h35.

Le Hellfest 2020 annulé, reste le gros bon son

En ces temps de confinement, les mauvaises nouvelles festivalières tombent à la pelle. Si Avignon (du 3 au 14 juillet) n’est pas encore annulé, le festival du « Métal Hurlant » (Hellfest) qui devait se tenir du 19 au 21 juin l’est. Un mauvais coup pour toutes celles et ceux qui sont coincés chez eux et ne peuvent même pas monter le volume à cause de leurs voisins d’immeuble. De quoi devenir « Paranoïd ».

Avec un coup de tonnerre, des cloches d’église menaçantes et l’un des sons de guitare les plus bruyants de l’histoire, le « Heavy Metal » naissait un vendredi 13 (selon la légende) au début de l’année 1970 avec la sortie du premier album de « Black Sabbath » (album éponyme). Bien sûr, quelques années avant des groupes géniaux (Led Zeppelin) ou très talentueux (Blue Cheer, Iron Butterfly) avaient commencé à monter les amplis, hausser la voix et produire des riffs de plus en plus agressifs mais sans s’écarter vraiment de la matrice « Blues Rock » originelle et en privilégiant la recherche de mélodies. Avec le « Heavy Metal », la table est renversée et du travail sur le son surgira éventuellement, la mélodie. La vitesse des guitares et de la batterie ainsi que la puissance vocale du ou des chanteurs fabriqueront une osmose musicale sur fond wagnérien et satanique.

Aujourd’hui

Depuis 50 ans, la recette n’a guère changé avec quelques inflexions au niveau de l’habillement (du cuir pour Judas Priest, des peaux de bêtes et des habillements plus sataniques pour beaucoup) ou de la rythmique (Metallica, Korn). La création de sous-genres comme le « Death Metal », le « Black Metal », le « Doom Metal », le « Stoner Rock », ou le « Grindcore » installe le « Heavy » comme un genre musical entier. Il est devenu un mouvement culturel capable de dépasser les ventes des groupes rock dans les classements et de déplacer des foules pour les concerts.

C’est dans ce contexte que s’installe le « Hellfest » à Clisson (Loire-Atlantique) en 2006 après quelques années de balbutiements à Rezé et au Mans. En juin 2006, 22 000 fans se ruent aux concerts de Motörhead, Apocalyptica ou Dead Kennedy. Le festival « made in Muscadet » commence à fédérer toute la scène heavy française, européenne et mondiale. Pas sans mal car les autorités régionales, Christine Boutin en tête, veulent sa mort car les musiciens invoquent le Diable. Seul un député socialiste dissident1 défendra le festival bec et ongles. In fine, le festival ne reçoit plus aucune subvention et s’autofinance ce qui présente l’avantage de ne pas faire de censure sur le choix des groupes. Certains s’affichent de manière nauséabonde en pure provocation. À commencer par l’icône absolue du festival, Lemmy Kilmister, leader de Motörhead, décédé fin 2015.

Une très courte et subjective sélection

Deep Purple, In rock (1970)Pas vraiment du « heavy » mais les vétérans étaient à l’affiche du festival 2020. Donc hommage aux combattants et à fond l’ampli pour « Child in time » ou «Speed King » !

Iron Maiden, The Number of the Beast (1982)« The number of the beast » suscita la polémique chez les bien-pensants en raison de la nature religieuse et satanique de l’album. D’ailleurs des incidents inexplicables survinrent pendant son enregistrement et les concerts qui suivirent. Le nombre de la bête (666) reste à pratiquer avec précaution.

Motörhead, No Remorse (1984)40 ans d’histoire. Des paroles aboyées, des cris perçants sur une ligne de basse hyper­active, de la batterie et une guitare à rythme. De « Bomber » à la stupidité volontaire de « Killed by Death ». La grande vitesse d’exécution de Motörhead surprend toujours.

Slayer, Reign in Blood (1986)« Reign in Blood » commence à 210 temps par minute avec la chanson « Angel of Death » et diminue à peine pendant les 29 minutes suivantes. Chaque pulsation de batterie ou de basse est un coup dans le ventre. Attention à vos voisins…

Metallica, Master of Puppets (1986)Le morceau « Battery » ouvre l’album à 190 pulsations par minute, le dernier morceau, « Damage Inc. » prend de court les auditeurs avec des rythmes encore plus rapides et « Disposable Heroes » est comme l’incarnation du trash avec ses rythmes militaristes tandis que le chanteur Hetfield grogne sur « Back to the front ! ». Metallica au meilleur de sa forme.

Windir, 1184 (2001)Sur la proue de son drakkar, Valfar (le compositeur/chanteur de Windir) regarde encore une fois sa terre ravagée, une hécatombe qui nourrit la légende. Son village a effectivement été rasé en 1184 par les troupes du roi de Norvège. La malédiction qui continue est ici renforcée par des nappes d’électro.

Black Sabbath, Paranoïd (1970)Sans le riff sombre et iconique d’« Iron Man », sans l’épaisseur de « War Pigs » et sans le halètement rapide de « Paranoïd », le « Heavy Metal » n’aurait peut-être pas vu le jour. C’était le deuxième album d’un groupe qui exprimait le traumatisme de leurs parents qui vécurent dans un Birmingham rasé par les bombes nazis. Le diable et les nazis, c’est la même chose.

Tous ces albums, disponibles à la vente ou au téléchargement, ne constituent qu’une ouverture à un monde qui a ses rites mais qui restent largement ouvert et convivial. Fuck to Hellfest 2021 !

  • 1. Patrick Roy, décédé en 2011. Il a défendu le festival à l’Assemblée contre Philippe de Villers. Il a joué sur la scène du festival avec le groupe Mass Hysteria.