Publié le Lundi 14 octobre 2013 à 10h15.

Musique : Made in France ?

C’est le vieux démon de la création artistique chez nous : comment rattraper le retard sur les ricains ? Depuis le blues, le centre géographique de la musique populaire semble toujours tourner autour des USA, avec parfois des détours vers Kingston, le Mali ou récemment l’Asie avec la K-Pop. Mais l’énergie initiale semble provenir en permanence de la même source. Et encore, sans s’arrêter à ce retard historique, la France semble incapable de s’approprier spécifiquement ces influences « extérieures » et de leur retourner la politesse, comme les Anglais ont su l’accomplir brillamment avec Les Beatles, les Clash ou les Specials (pour prendre des styles différents). Deux compilations sortent avec clairement l’objectif de soigner ce perpétuel complexe d’infériorité, regardant souvent vers la fameuse « french touch », qui à l’instar du « french flair » dans le rugby, auraient permis à l’hexagone de scintiller, voire d’être admiré à l’étranger. Ce sont d’abord les Inrocks qui proposent dans un gros coffret de 6 CD Fier comme un coq une rétrospective de la pop tricolore, en essayant de définir, sur 50 ans, une version respectable du genre, qui oscille ici entre la tentation varietoche, le trésor national de la chanson française (Dominique A) et la pâle copie de ce qui se fait outre-Manche (Dionysos). On s’y offre même le luxe de jouer le snob décalé en y intégrant le grand méchant loup Michel Sardou et son titre « Mods & rockers ». Point de jonction avec Cosmic machine : un voyage dans l’avant-garde de la musique cosmique et électronique française qui propose en contre-jour 20 morceaux expérimentaux des années 70, le « savant fou » de François de Roubaix, bien connu par ailleurs des amateurs de BO de film où il avait trouvé refuge pour cantiner. Ici nous basculons vers d’autres fascinations liées à l’époque et malgré tout toujours tournées vers les « modèles » américains, entre rêves psyché du jazz futuriste à la Sun Ra, l’hédonisme disco ou encore la découverte enivrante des machines et des synthés. Des OSNI (objet sonore non identifié) alors ignorés sous le rouleau compresseur Claude François, et qui font désormais la joie des collectionneurs de disques. Des ancêtres, paraît-il, du succès grand public des Daft Punk et autres MGMT, voire Philippe Katerine. Nul n’est prophète en son temps.

King Martov

Fier comme un coq, compilation des Inrockuptibles, Inrocks, 2013, 30 eurosCosmic machine, Because, 2013, 16 euros