Publié le Jeudi 30 avril 2015 à 22h30.

Refouler les révolutions asiatiques

L’Asie est très tôt devenue le principal foyer des luttes anti-impérialistes. C’est en Europe que les conséquences de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe se sont tout d’abord fait sentir. Mais après la défaite ultime de la révolution allemande (1923), l’attention se porte vers l’Orient...

L’Asie centrale, musulmane, entre en ébullition. Révolution et contre-révolution se confrontent en Chine à partir de 1925. Durant les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, des mouvements armés de libération se développent de l’Amérique latine à l’Afrique ou aux Moyen-Orient avec pour pays phares Cuba, l’Algérie, la Palestine, l’Angola, le Mozambique... L’impérialisme impose son ordre à coup de dictatures militaires particulièrement sanglantes (Chili, Argentine…), et avec l’aide d’États comme Israël.

Tout le tiers monde est concerné, mais c’est en Extrême-Orient, avec la victoire de la révolution chinoise (1949), que le bras de fer prend une dimension toute particulière. La Chine est le pays le plus peuplé du monde, suivi de l’Inde qui, bien que capitaliste, s’adosse à Moscou pour gagner une certaine indépendance. La France s’avère incapable de briser le combat des Vietnamiens. Des foyers révolutionnaires se multiplient dans la région. Washington veut « contenir et refouler » la vague de libération asiatique sans lésiner sur les moyens.

La Chine dans la mire des USA

On n’organise pas le blocus de la Chine comme celui de Cuba. Sur les plans politique, économique et militaire, il faut construire un immense cordon sanitaire qui s’étend en arc de cercle de la péninsule coréenne à la péninsule indochinoise. Washington verrouille à l’est : c’est la guerre de Corée (1950-1953) qui laisse jusqu’à aujourd’hui un pays divisé. Il verrouille au sud, faisant de Taïwan une forteresse, là où se sont repliées les armées chinoises contre-révolutionnaires au grand dam des populations locales : le régime du Guomindang représente alors la Chine tout entière au conseil de sécurité de l’ONU... Pour stabiliser ses alliés sud-­coréens et taïwanais, les États-Unis favorisent la mise en œuvre de réformes agraires et laissent bien plus de champ libre, que dans d’autres pays du Sud, aux grandes familles possédantes contrôlant des États dictatoriaux et dirigistes. Voilà l’origine du développement inhabituel d’un capital coréen ou taïwanais relativement autonome.

Les États-Unis aident le Japon à se reconstruire (comme l’Europe de l’Ouest avec la plan Marshall), tout en le maintenant sous sa tutelle stratégique. D’immenses bases militaires US y sont construites (à Okinawa), ainsi qu’en Corée du Sud, aux Philippines, en Thaïlande. La 7e Flotte et ses porte-avions occupent la mer de Chine. Washington verrouille encore, en Asie du Sud-Est insulaire cette fois : c’est le coup d’État de Suharto en Indonésie (1965). Le Parti communiste indonésien (PKI), considéré comme le plus grand parti communiste du monde capitaliste, est éradiqué au prix peut-être de deux millions de mortEs et d’un état de répression générale qui perdurera plus de trente ans.

Pour parachever l’encerclement de la Chine, reste l’Asie du Sud-Est continentale. Des guérillas maoïstes sont actives en Malaisie et en Thaïlande. Et surtout la lutte a repris au Vietnam. La division du pays décidée lors des accords de Genève ne devait être que temporaire, en attendant la tenue d’élections que le Vietminh et son principal dirigeant Hô Chi Minh étaient assurés d’emporter. Pas question donc pour Washington, qui n’a pas signé les accords, que ces élections aient lieu... Au contraire, le régime saïgonnais et les conseillers US entreprennent l’assassinat systématique des cadres révolutionnaires vivant au Sud. Au tournant des années 60, le Parti communiste vietnamien (PCV) a donc décidé de la relance du combat, sachant que cette fois, il ferait directement face aux États-Unis et non plus à la France.