En mai 1968, à Rouen, les militantEs de la « JCR » se trouvèrent portés à la tête de la révolte des étudiantEs et lycéenEs. Ce fut le résultat d’un travail militant entrepris dans les années qui précédèrent, dans une ville ou l’emprise du PCF et ses méthodes staliniennes pour contrôler le mouvement ouvrier étaient particulièrement fortes.
Provenant de l’Union des étudiants communistes pour les unEs, des Jeunesses socialistes unifiées (PSU) pour les autres, une quarantaine de militantEs participèrent en 1966 à la création de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), sous l’impulsion de la cellule du Parti communiste internationaliste (PCI, IVe Internationale). La JCR engagea toutes ses forces pour construire un véritable mouvement de masse contre l’intervention étatsunienne au Viêtnam, qui cristallisait à cette époque la confrontation mondiale entre la révolution et la contre--révolution.
Bien que Rouen ne fut à l’époque qu’une petite ville universitaire, le comité Viêtnam regroupa plus de 600 adhérentEs. Le couronnement de son action fut la réalisation de deux grands meetings (en 1967 et 1968) « 6 Heures pour le Viêtnam », auquel assistèrent à chaque fois plus de 1 000 personnes.
Cette influence grandissante fut combattue par l’extrême droite. Le 12 janvier 1967, un commando du groupe « Occident » venu de Paris, dont faisaient partie 3 futurs ministres de la République (Madelin, Longuet et Devedjian) attaqua à la barre de fer et dévasta le restaurant universitaire où le comité Viêtnam distribuait des tracts, faisant plusieurs blesséEs et suscitant une vive -émotion dans toute la ville.
Le PCF assistait impuissant et exaspéré à la montée en puissance de la JCR dans la jeunesse étudiante et lycéenne. Ainsi, lorsque la JCR décida, au lendemain de l’assassinat de Che Guevara, d’organiser, avec la participation d’Alain Krivine, un meeting en sa mémoire, les militants du PCF bloquèrent l’entrée de la petite salle avant le début du meeting ; empêchant la réunion de se tenir.
Quinze jours plus tard, le meeting se tenait dans l’une des plus grandes salles de la ville, bien remplie, avec le soutien d’associations et d’organisations de gauche et d’universitaires mobilisés pour défendre notre liberté d’expression.
La JCR développa son influence dans les facs ainsi que dans les lycées « classiques » et « techniques », où elle distribuait une feuille l’Étincelle, dans le but de gagner de futurs jeunes travailleurEs. Elle avait quelques militantEs dans la chimie, à la SNCF, chez Renault, ainsi qu’à l’hôpital psychiatrique.
L’activité internationaliste de la JCR à Rouen au cours des années 1966-1968 lui permit de se lier à la radicalisation de la jeunesse. Ainsi se forma l’équipe militante qui anima le comité de grève des étudiantEs en mai 1968.
Jean-Claude Laumonier