Le 22 décembre dernier, la ville d’Alep tombait entièrement aux mains du régime de Bachar el-Assad, ses quartiers est repris après avoir été bombardés sans relâche par les aviations syrienne et russe, un déluge de feu qui n’a laissé que ruines, destruction et mort dans cette ville qui comptait avant la guerre plus de deux millions d’habitants.
Le régime syrien et ses alliés, la Russie et l’Iran, ont prétendu agir contre le terrorisme alors même que Daech avait été chassé de la ville par ses habitants au début de l’année 2014. Ils se sont acharnés contre Alep, en réalité, pour tenter d’étouffer les aspirations démocratiques qui ont nourri le soulèvement de la population syrienne depuis mars 2011 et dont les forces ultra-réactionnaires de l’intégrisme religieux n’avaient pu venir à bout.
Ce soulèvement s’inscrivait dans le contexte de la vague révolutionnaire qui a gagné la plupart des pays arabes à partir de la Tunisie en décembre 2010 – un premier assaut des peuples contre les pouvoirs en place en réaction à deux décennies d’offensive de la mondialisation capitaliste. Il a fallu plus de cinq ans au dictateur sanguinaire pour remporter contre son propre peuple une victoire majeure. Depuis 2011, 400 000 Syriens ont trouvé la mort et onze millions ont pris le chemin de l’exil, dont quatre millions en dehors de leur pays. C’est dans cet enchaînement de violences que s’inscrivent les attentats terroristes dont ceux, tout dernièrement, de Berlin, Bagdad et Istanbul.
L’impérialisme américain, bien incapable d’assurer seul le maintien de son ordre, a laissé en Syrie toute liberté d’agir à la Russie, à l’Iran et la Turquie, tout en dénonçant, comme ses alliés dont la France, leurs exactions avec une indignation feinte. On s’indigne contre les bombardements russes à Alep pour mieux justifier l’intervention militaire contre la ville de Mossoul en Irak. Celle-ci, au coeur d’une région sunnite prise il y a deux ans par les bandes armées de l’Etat Islamique, est maintenant peu à peu reconquise par les troupes de ce même pouvoir chiite auquel les Etats-Unis avaient laissé les clefs en Iraq au moment de leur départ. La population a enduré la dictature moyenâgeuse de l’EI, elle a été terriblement meurtrie par les bombardements et elle retrouve aujourd’hui les seigneurs de guerre chiites et leurs exactions contre les sunnites.
Une offensive et des résistance séculaires
Objet des manœuvres et des rivalités des grandes puissances impérialistes depuis un siècle – les accords Sykes-Picot consacrant le partage d’influence entre la Grande-Bretagne et la France ont été signés en 1916, alors que l’empire ottoman s’effondrait –, les peuples du Moyen-Orient n’ont eu de cesse de secouer leur joug. A la domination des vieilles puissances européennes, Grande-Bretagne et France, a succédé à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale la domination de l’impérialisme américain, appuyé sur ses alliés l’Arabie Saoudite, Israël, l’Iran du shah.
Contrecarré par la révolte des peuples, l’impérialisme étatsunien a sans cesse dû s’adapter et trouver de nouveaux alliés pour maintenir sa domination et le pillage de ces pays par les grandes sociétés occidentales, en particulier les compagnies pétrolières.
En 1990-91, Bush père lança une croisade des « démocraties » contre le « nouvel Hitler », Saddam Hussein en Iraq. Une puissante coalition prétendait délivrer la population irakienne de son dictateur par un déluge de feu diffusé sur les télévisions du monde entier. Ce nouvel ordre mondial s’avéra rapidement être celui du chaos et de la destruction tandis que les créatures utilisées par les USA se retournaient contre ces derniers, une branche de la famille régnante en Arabie saoudite faisant sécession et donnant naissance à Al-Qaeda.
Après les attentats du 11 Septembre 2001, la guerre fut étendue à l’Afghanistan puis, en 2003, à nouveau à l’Irak. Elle déboucha sur la décomposition de l’Etat irakien dont émergèrent, plus tard, lorsque Obama fut contraint d’ordonner le retrait des Etats-Unis, les bandes armées dirigées par d’anciens cadres de l’Etat irakien qui taillèrent leur territoire sous le drapeau de l’intégrisme religieux sunnite, l’Etat islamique.
Ce sont ces forces réactionnaires qui ont contribué à étouffer la première phase des révolutions arabes commencée en Tunisie en décembre 2010.
Avec la chute d’Alep, la révolution syrienne connaît une grave défaite devant une Russie dont le nouveau président américain, Donald Trump, semble faire une alliée privilégiée. Cela en dit long sur la dureté de l’offensive qu’ils s’apprêtent à mener contre les peuples. Mais ceux-ci sont loin d’avoir dit leur dernier mot et le dictateur bourreau de son peuple n’aura probablement gagné qu’un sursis.
Galia Trépère