Un traitement médiatique problématique
La thèse de la disparition d’Alexia Daval le 28 octobre, alors qu’elle serait partie faire un jogging, jouait déjà sur les peurs largement répandues de l’agresseur s’attaquant aux femmes seules osant sortir de chez elle sans la protection de leur conjoint ou leur père. Les appels à témoins s’étaient alors multipliés et les journaux nationaux et locaux s’étaient empressés de relayer cette histoire sans jamais questionner le témoignage du « gentil mari » éploré.
Évidemment, un rodeur qui s’attaquerait aux joggeuses, ça fait bien plus vendre que les féminicides qui continuent de s’enchaîner (un tous les trois jours en France). On en appelait à la prudence des femmes : ne sortez pas sans votre protecteur (mâle). Le danger se présentait comme un inconnu, sans visage, sans lien aucun avec la victime, faisant vite oublier que la majorité des crimes envers les femmes sont commis par l’entourage. Il ne faudrait pas non plus s’attaquer à la famille !
Soudain, le mari avoue
Alors évidemment, lorsque le mari avoue lors de sa garde à vue le mardi 30 janvier, il faut vite trouver une parade. Ce sont ses propres avocats qui annoncent sa culpabilité, il aurait étranglé son épouse « par accident ». Les chaînes d’infos en continu relaient l’information, sans jamais la questionner, et c’est sur les réseaux sociaux que les féministes prennent la parole : un étranglement accidentel ? Il faudrait qu’on nous explique comment cela est possible…
Loin de s’arrêter là, les avocats continuent d’organiser la défense, et comme il est difficile de nous faire avaler « l’étranglement accidentel », c’est la victime qui est accusée ! Après tout, si un homme en vient à étrangler sa conjointe, c’est qu’elle l’a bien cherché… Elle aurait une « personnalité écrasante », lui ne serait pas un « meurtrier » mais « un jeune garçon qui dans une crise de couple a accidentellement occasionné la mort de son épouse »… Pauvre chéri ! On en viendrait presque à verser une larme pour lui en oubliant vite le fait qu’il a possiblement brûlé le corps d’Alexia pour couvrir ses traces… Dominique Rizet, « spécialiste police-justice » sur BFM-TV, nous fait part de son émotion le 30 janvier au soir : « J’aimerais être l’avocat de Jonathan Daval, c’est quelqu’un de terriblement humain. » Au 20h de France 2, on apprend que « c’est un homme dévasté, rongé par le remords qui est passé aux aveux ».
Un fait de société, pas un fait divers
En plein mouvement #metoo, l’histoire qui nous est racontée par les avocats de Jonathan Daval, largement relayée par les médias ne passent pas ! Au delà du principe hasardeux de l’ « étranglement accidentel », c’est le traitement en fait divers d’un fait de société qui est problématique. Le meurtre d’Alexia Daval n’est pas juste un crime crapuleux qui ferait un bon numéro de « Faites entrer l’accusé » d’ici quelques années. Il s’agit d’un féminicide comme il y en a tous les trois jours en France. La sphère médiatique et politique a fait semblant, suite à l’affaire Weinstein, de découvrir les violences faites aux femmes, les grandes absentes des médias et de toutes les autres sphères de pouvoir. Mais le monstre qui s’attaque aux femmes n’est pas un inconnu sans visage, un homme malade addict au sexe ou étouffé par la personnalité trop encombrante de sa femme. C’est un système, le patriarcat, qui est responsable de tous ces meurtres.
Léa V.
Sur le traitement médiatique des violences faites aux femmes, voir les contributions d’ACRIMED :
http://www.acrimed.org/Le-traitement-mediatique-des-violences-faites-aux-5394
http://www.acrimed.org/Les-violences-conjugales-un-divertissement-mediatique
http://www.acrimed.org/Le-viol-dans-les-medias-un-fait-divers