Dans la journée du 18 septembre, la CGT FNAC Paris a invité, dans un communiqué, à se mobiliser à la FNAC Saint-Lazare le vendredi 19 septembre, contre la venue de Raphaël Enthoven, philosophe médiatique. L’auteur venait y présenter son dernier roman.
La raison de la colère et de la mobilisation des salariéEs contre Enthoven : ses prises de position sur la Palestine. En effet, le philosophe de plateaux télés se fait l’écho infatigable de la propagande du gouvernement israélien. En août dernier, il avait notamment tweeté, concernant l’assassinat d’Anas al-Sharif, journaliste pour Al Jazeera à Gaza, qu’« il n’y [avait] pas de journaliste à Gaza ».
À 18 h, alors que la rencontre est sur le point de commencer, le rayon BD du 3e étage, sur lequel donne le Forum où a lieu la rencontre, s’agite. Les slogans fusent, on sort des pancartes, certainEs ont apporté des sifflets, et très vite, le volume sonore monte. D’abord une quarantaine de personnes sont présentes, puis le groupe s’étoffe progressivement, jusqu’à arriver à environ 70.
Une camarade qui s’était glissée dans la salle en ressort. Glaré, qui rythme les slogans au mégaphone, annonce : « on nous entend très très bien à l’intérieur ». Les slogans reprennent de plus belle. Suivent des prises de parole : les salariéEs de la FNAC rappellent l’histoire ancrée à gauche de l’entreprise (elle a été fondée par deux résistants communistes) et son revirement réactionnaire depuis quelques années (en témoigne par exemple, en 2022, la polémique autour du jeu Antifa) ; une intervention de BDS insiste sur l’importance de continuer la pression par le boycott ; des militantEs d’Urgence Palestine et d’Europalestine lisent deux textes (dont un poème de Mahmoud Darwich).
Après une petite heure à alterner slogans et prises de parole, Glaré annonce : « Raphaël Enthoven est parti par la sortie de secours. Vous êtes super nombreuSEs, on ne s’attendait pas à autant de monde ! On vous propose de faire une déambulation pour nous diriger vers la sortie ». Et nous voilà partiEs en manif’ dans les rayons, embarquant quelques clientEs sur notre passage. À chaque étage, nous rappelons pourquoi nous sommes là : « Raphaël Enthoven a tweeté tout à l’heure : “à tous ceux qui croient réussir, par l’intimidation, à m’empêcher de parler [...] : vous ne me faites pas peur et vous ne me ferez jamais taire. Je vais où je veux. Je dis ce que je veux.” Eh bien nous aussi, nous exerçons notre liberté d’expression ! »
Effectivement, Enthoven oublie que la liberté d’expression, d’une part, va dans les deux sens, et d’autre part, n’est pas une excuse pour dire n’importe quoi sans contradiction, surtout quand il s’agit de sujets aussi graves qu’un génocide. Comme nous ne sommes pas invitéEs tous les quatre matins à nous exprimer avec complaisance sur les plateaux télés, contrairement à lui, il fallait bien une action comme celle-ci pour le lui rappeler.
Estelle MENU