Avec une chute des voix pour les deux partenaires de la coalition gouvernementale sortante et une progression pour les partis qui dénoncent l’austérité, les résultats des élections sont bien à l’image de la crise sociale et politique qui existe en Irlande comme dans le reste de l’Europe.
Le principal parti du gouvernement, Fine Gael (droite nationaliste) obtient 25 % (36 % en 2011), mais c’est son partenaire, le Parti travailliste (Labour), un parti historiquement très lié aux syndicats, qui paie le prix le plus fort pour son soutien à cinq années de gestion néolibérale de la crise : 7 %, en chute libre par rapport à son score en 2011 (19 %).
L’autre grand parti nationaliste, Fianna Fail, après une chute vertigineuse en 2011 (de 41 % à 17 %), remonte à 24 %. Quant au Sinn Fein, historiquement l’aile politique de l’IRA et dirigé par Gerry Adams, il a mené une campagne très marquée contre l’austérité, passant de 10 % à 14 %.
Comme dans d’autres pays, on assiste ces dernières années à un affaiblissement des partis traditionnels au profit, entre autres, d’une série de partis indépendants. En Irlande, un des phénomènes les plus intéressants pour les anticapitalistes est l’émergence d’une coalition électorale entre le Anti Austerity Alliance animée par des militants du Socialist Party (CWI) et une autre formation, People Before Profit (le peuple avant le profit), animée par des militants du Socialist Workers Party (IST). En 2011, une coalition similaire (les mêmes plus une autre organisation - « Action de travailleurs et chômeurs ») avait obtenu 2,7% des voix mais grâce au système proportionnel avec vote préférentiel, cela lui a permis d’avoir 5 députés parmi les 158 que compte le Parlement irlandais. Cette fois-ci avec 3,9 % des voix, la nouvelle coalition (AAA et PBF seules) augmente son score et passe à 6 députés.
Crise politique sur fond de crise économique et sociale
La volatilité de l’électorat est le reflet d’une situation sociale elle-même très volatile. Pendant des années, l’Irlande était présentée comme un exemple du succès du modèle néo-libéral. Mais avec l’éclatement de la bulle en 2008, la chute du « tigre celtique » a été encore plus dure.
L’Irlande a longtemps été un pays très pauvre qui a vu une émigration de millions de ses habitantEs. La bonne santé du « tigre » avait fait que certains étaient revenus, et surtout que beaucoup de jeunes de l’Europe de l’Est étaient venus pour travailler. Avec la crise de 2008, beaucoup sont repartis et des Irlandais, surtout des jeunes (400 000 !), ont recommencé à émigrer.
La médecine néo-libérale appliquée à une Irlande très fortement endettée a été présentée par la droite comme un remède efficace qui aurait produit une réduction de la dette et une baisse du chômage. Mais le prix payé par la population a été très lourd, avec une forte baisse des salaires, de nouveaux impôts et une explosion de la précarité et des inégalités :- 272 000 emplois à plein temps... mais 13 milliardaires de plus qu’en 2007 !
La colère est dans la rue
Face aux attaques, l’élément qui a vraiment marqué les dernières années et qui explique en grande partie le rejet électoral, de gauche, des partis pro-austérité, c’est le développement des résistances dans la rue et la confiance qui en découle. Celles-ci se sont cristallisées autour d’une mobilisation profonde contre un impôt terriblement injuste sur la consommation d’eau. Des manifestations monstres ont eu lieu, non seulement à Dublin (100 000 personnes pour un pays de seulement 4,5 millions d’habitants) mais dans énormément de petites villes à travers tout le pays.
Dans les mois à venir, avec un nouveau gouvernement de coalition qui appliquera la même politique d’austérité, il est à espérer que les salariéEs d’Irlande poursuivent le chemin des grèves et des mobilisations pour tracer une perspective bien différente.
Ross Harrold