Le Parti républicain est engagé dans une vaste campagne politique pour restreindre le droit des femmes à l’avortement.
L’avortement est actuellement en principe autorisé dans tous les États, depuis l’arrêt de la Cour suprême Roe v. Wade (1973). Toutefois la Cour suprême a reconnu aux États le droit d’en réglementer les modalités. Les Républicains ont ainsi fait adopter depuis plusieurs années des lois d’État pour restreindre les avortements. 90 lois de ce type ont été adoptées au cours de l’année écoulée et 561 autres projets de loi ont été présentés dans 47 États cette année. Cinq États ont interdit les avortements lorsqu’il y a un rythme cardiaque fœtal entre trois et six semaines de grossesse. D’autres limitent les personnes habilitées à pratiquer un avortement (en exigeant une qualification plus élevée) ou visent à gêner les cliniques d’avortement. Certains interdiraient en fait complètement l’avortement. Certains de ces projets de loi donneraient des droits au fœtus, interdiraient la fécondation in vitro ou arrêteraient la recherche médicale utilisant des tissus fœtaux.
Au cœur de l’agenda de l’extrême droite
Le Texas vient d’adopter une loi qui permet de poursuivre quelqu’unE qui pratique ou aide à un avortement, et attribue une récompense de 10 000 $ à la personne qui fournit des informations. Un chauffeur de taxi pourrait être poursuivi s’il emmène une femme dans une clinique d’avortement et la personne qui a identifié le chauffeur obtiendrait la récompense de 10 000 $… La Cour suprême doit juger en octobre une affaire concernant une loi du Mississippi interdisant les avortements après 15 semaines, ce qui pourrait amener l’institution, désormais plus conservatrice, à renverser la jurisprudence Roe v. Wade et à mettre fin au droit des femmes à l’avortement.
Les États qui restreignent les avortements ont généralement aussi le pire bilan en matière de protection de la santé des femmes et des nourrissons, en particulier la santé des femmes et des bébés noirs. Le Mississippi, avec sa loi anti-avortement très restrictive, se classe au 50e rang des États pour la protection de la santé des femmes, des nourrissons et des enfants.
Le mouvement anti-avortement est au centre de la coalition du Parti républicain et l’avortement est une question qui peut mobiliser un grand nombre de personnes dans des manifestations de protestation. Les églises évangéliques blanches, qui sont la force motrice du mouvement anti-avortement, sont également un noyau du Parti républicain et parmi les plus fervents partisans de l’ancien président Donald Trump. Mais les églises évangéliques noires et l’église catholique s’opposent également à l’avortement. Les États républicains du Sud, du Midwest et de l’Ouest dotés de la législation sur l’avortement la plus restrictive ont également soutenu Trump. L’opposition à l’avortement, comme l’opposition au droit des LGBTI et le soutien à la possession d’armes à feu, est au cœur de l’agenda culturel de l’extrême droite.
La mobilisation à l’ordre du jour
Roe v. Wade, qui accordait aux femmes le droit à l’avortement, a été une victoire pour le mouvement des femmes du début des années 1970. Des centaines de milliers de femmes avaient manifesté pour le droit à des avortements légaux et sûrs, plutôt que des avortements clandestins dangereux. Mais alors que l’arrêt Roe v. Wade donnait à toutes les femmes le droit à l’avortement légal, l’amendement Hyde (1976) a interdit l’utilisation des fonds fédéraux pour soutenir les avortements (sauf dans des cas particuliers), bien que de nombreuses femmes de la classe ouvrière et pauvres ne puissent pas se permettre de payer les frais d’un avortement dans de bonnes conditions.
Un sondage de l’année dernière a révélé que 47 % des AméricainEs pensaient que l’avortement était moralement répréhensible, tandis que 44 % pensaient qu’il était moralement acceptable. Pour ce qui est de la législation, 45 % des hommes soutiennent le droit des femmes de choisir, tandis que 52 % des femmes pensent qu’elles ont ce droit. Les Blancs, les Noirs et les Hispaniques soutiennent le droit à l’avortement dans des proportions presque égales.
Le droit à l’avortement est soutenu par des organisations féminines telles que la National Organization for Women et NARAL Pro-Choice America, des associations qui aident à pratiquer des avortements comme Planned Parenthood, ainsi que par l’American Civil Liberties Union (ACLU), la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) et l’aile libérale du Parti démocrate. Certains syndicats d’enseignantEs, dont les femmes constituent la majorité des membres, sont également pour le droit à l’avortement. Les Democratic Socialists of America (DSA) et les organisations de l’extrême gauche soutiennent évidemment le droit des femmes à l’avortement.
Mais alors qu’une bataille est engagée dans les législatures des États, les tribunaux et dans les médias, il n’y a pas encore beaucoup de mouvements de femmes dans les rues, comme il y en avait dans les années 1970. Espérons qu’il ne faudra pas perdre le droit des femmes à l’avortement pour créer un mouvement massif.
Traduction Henri Wilno