Par un hasard des calendriers, et dans le contexte tragique du massacre perpétré par Israël dans la bande de Gaza, la question palestinienne s’invite de nouveau au sein du palais de la Paix à La Haye, se retrouvant en moins d’un mois le point de mire de la justice internationale, après avoir été jetée aux oubliettes pendant plus de deux décennies.
Alors que la Cour internationale de Justice a eu à se prononcer en urgence le 26 janvier 2024 sur l’existence d’un risque de génocide des PalestinienNEs de Gaza, elle siège depuis le 19 février 2024 dans le cadre d’une tout autre procédure, précédant celle initiée par l’Afrique du Sud.
En effet, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté le 30 décembre 2022 une résolution constatant les innombrables violations systématiques par Israël des droits humains du peuple palestinien. D’un détail glaçant — allant des détentions arbitraires et exactions à l’encontre de civilEs jusqu’à la mise à mal de la continuité territoriale palestinienne et l’expansion de la colonisation, en passant par la pratique de rétention des dépouilles mortelles — la résolution conclut à la nécessité d’une saisine de la CIJ. La Cour devrait donc rendre, sous plusieurs mois, un avis consultatif sur la légalité de l’occupation par Israël des territoires palestiniens depuis 1967.
Une occupation illégale
Des délégations de 52 États et plusieurs organisations se succèdent pour exprimer leurs positions à ce sujet.
La délégation palestinienne, ainsi que plusieurs autres États notamment du Sud global, ont méthodiquement démontré l’illégalité de l’occupation par Israël des territoires palestiniens. En droit international, l’occupation d’un territoire ne peut être que temporaire. Ainsi, la puissance occupante ne peut réclamer la possession de ces territoires et a pour obligation de ne pas y provoquer de changements permanents, en les administrant dans le meilleur intérêt de leurs habitantEs.
En ce sens, l’occupation israélienne est parfaitement illégale. Datant de plus 55 ans, elle n’a aujourd’hui plus rien de temporaire et constitue tout bonnement une colonisation. Les autorités israéliennes ne s’en cachent pas, que ce soit par la politique d’expulsion des PalestinienNEs aux fins de « judaïsation » de Jérusalem ou par l’expansion de la colonisation en Cisjordanie.
Des conclusions restées lettre morte en 2004
La délégation palestinienne a également insisté sur les violations des droits humains et les discriminations subies par les PalestinienNEs constituant un système d’apartheid. Elle appelle à un arrêt immédiat de l’occupation et de la colonisation et, à cette fin, à une nécessaire coopération de la communauté internationale, devant mettre fin à ses relations avec Israël — pour le dire autrement, à un boycott de l’État hébreu.
Conformément à son traditionnel rejet de toute intervention de la justice internationale, Israël n’a pas jugé opportun de présenter une délégation à la Cour. Il s’est contenté de produire un mémoire de cinq pages insistant sur la nécessité d’un règlement de conflit de manière bilatérale, argumentaire repris par les États-Unis.
Une procédure similaire avait été initiée par l’Assemblée générale de l’ONU en 2004 concernant la construction du mur en Cisjordanie. La Cour avait alors conclu que la construction de ce mur entravait la liberté de circulation et les droits fondamentaux des PalestinienNEs et était conçu aux fins d’un changement démographique du territoire palestinien, notamment à Jérusalem-Est. Vingt ans après, on ne peut que constater que ses conclusions sont restées lettre morte et ont été globalement rejetées par les autorités israéliennes et américaines.
Défier le silence et construire la solidarité
Alors qu’attendre de ce nouveau verdict de la CIJ sur la situation coloniale en Palestine ? Au vu de son précédent avis consultatif, il paraît quasi certain que la Cour conclura à l’illégalité de l’occupation et à la violation par Israël de ses obligations découlant du droit international. Il apparaît également quasi certain que Israël n’en tiendra absolument pas compte.
Cependant, et tout comme cela a été le cas avec l’ordonnance du 26 janvier 2024, cet avis interviendra dans un contexte d’isolement d’Israël et d’un véritable accroissement du mouvement de solidarité internationale pour la décolonisation de la Palestine.
Cet avis pourrait ainsi servir de nouveau levier pour continuer à mettre la question palestinienne au centre des préoccupations internationales, à amplifier le mouvement du boycott par la reconnaissance internationale du régime d’apartheid et à maintenir la pression pour exiger des sanctions à l’encontre d’Israël.
Mahmoud Darwich, dont les mots ont été repris par un avocat de la délégation palestinienne avait très justement dit : « Dans le silence, nous devenons complices. Quand nous parlons, chaque mot peut changer le monde ». Et le silence n’est en effet plus une option.
Marie Louise