Autorité constitutionnelle indépendante chargée de veiller à la protection des droits et libertés et de promouvoir l’égalité, le Défenseur des droits a une fonction d’observation sociale, peut prendre position et doit faire des propositions aux pouvoir publics. Jacques Toubon vient de rendre le rapport 2017.
Avec ses équipes, il a reçu 140 000 demandes d’intervention (500 par jour !) et instruit 94 000 dossiers. Les saisines ont augmenté de 7,8 % en un an. Retour sur les analyses essentielles du rapport.
Casse des services publics
La première cause du recul des droits et de l’augmentation des inégalités sociales, est le « retrait des services publics ». UnE FrançaisE sur trois déclare manquer d’information. La dématérialisation en cours amplifie les problèmes. Celle-ci nécessiterait d’être expliquée aux usagerEs par des personnels en nombre suffisant. Or la dématérialisation répond d’abord à la suppression de postes décidée par le gouvernement. Elle devient ainsi un facteur de déshumanisation, avec pour conséquence l’aggravation des inégalités sociales, territoriales et de l’isolement : 30 % des habitantEs n’ont pas accès à internet, 38 % voudraient « pouvoir rencontrer quelqu’un ». Les 18-24 ans en particulier, qui pour 40 % d’entre eux, expriment qu’ils ont de grosses difficultés « à remplir les papiers ». Sans surprise, plus les services publics (poste, trésorerie, hôpitaux...) se raréfient et se complexifient, moins les personnes les plus précarisées y ont accès.
Maltraitance des étrangerEs
Le rapport rappelle qu’il n’y a pas envahissement de réfugiéEs, mais seulement 100 000 demandeurEs d’asile pour 67 millions d’habitantEs. Et qu’il suffirait d’un réel accueil pour que l’immigration ne soit plus regardée par une partie de la population comme un drame, un danger. Au lieu de cela, l’accueil dans les préfectures est indigne, suspicieux, les droits de base, au logement notamment, ne sont pas respectés. Le travail des associations est compliqué par l’administration. Quant aux tests osseux sur les mineurEs, ils sont dénoncés comme « honteux, indignes et inefficaces ». Toubon estime que la « loi Collomb » en discussion va aggraver la situation.
Discriminations en hausse
30 % de la population active a été un jour discriminée au cours de cinq dernières années. Les victimes sont majoritairement des femmes, des salariéEs d’origine étrangère et des personnes handicapées. Une salariée sur quatre a été harcelée pendant la même période. Les inégalités de salaires, de déroulement de carrière puis de pension de retraite n’ont pas diminué. Dans les agences bancaires, l’accès au crédit pour la consommation et la création d’entreprise est compliqué pour les femmes (éternelles mineures !) et les étrangerEs. Ces dernierEs sont généralement reçus pendant un temps très court, debout, et sans que leur soit proposée de simulation de remboursement.
Les enfants sont particulièrement victimes. Toubon dénonce pêle-mêle le refus de scolarisation d’enfants roms, le maintien en rétention de mineurEs, le refus de scolarisation d’enfants handicapés, les harcèlements violents entre enfants jamais pris en compte. Les enfants sont toujours considérés comme non-sujets de droit.
Il faut prendre ce rapport pour ce qu’il est : institutionnel. Utile, car avec toute l’autorité conférée par la Constitution, Toubon jette un éclairage cru sur les entraves sérieuses au droit. Limité, car il ne dénonce évidemment que les abus et jamais les fondements de ce droit, institué par un État au service d’une minorité de nantis.
Roseline Vachetta