Reprendre la main médiatique par une polémique raciste, sortir de la séquence de révolte sociale par la division de notre classe, pousser encore le spectre politique vers l’extrême droite en une dramatique course à l’échalote avec le RN et la droite dure… Nul doute que la « maladresse » du ministère de l’Intérieur demandant le recensement de « l’absentéisme » le jour de l’Aïd dans plusieurs académies soit désormais l’occasion d’une opération de communication huilée. Qu’elle réponde à un délirant article du Figaro annonçant un bond du nombre d’absentEs démontre, s’il le faut encore, le niveau de fange dans laquelle se vautre le macronisme.
La possibilité de s’absenter une journée pour fête religieuse n’a déjà rien à voir avec de « l’absentéisme ». C’est un droit reconnu par l’Éducation nationale qui, pour reprendre la formule de la FSU, « fait partie de ces garanties de liberté qui fondent les équilibres [permettant] d’appliquer le principe de laïcité ». Ce qui est en revanche scandaleux et participe aux menaces sur nos droits et libertés, c’est cette démarche de recensement par la police de questions scolaires liées à une religion particulièrement visée.
Contournant les rectorats, le ministère a agi par le biais des services de renseignement, plaçant de fait la question de ces absences comme relevant d’une menace à l’ordre public. Mais faut-il encore être surpris par une stigmatisation de plus, par le développement délibéré des fantasmes islamophobes ? Derrière le racisme absurde et mortifère d’une consigne gouvernementale, il y a peut-être surtout la question de l’« État de droit » qui est posée. Lorsque, comme dans l’Hérault, c’est le service départemental de l’Éducation nationale qui accepte de relayer ces demandes (avant de s’en excuser le lendemain), on voit à quel point une partie de l’administration a déjà perdu tout repère démocratique, toute capacité de résistance aux vents mauvais. Et à quel point il est urgent de s’appuyer sur les forces vives du mouvement social, syndicats et associations de défense des droits qui ont, elles, dénoncé immédiatement et fortement cette « maladresse » bien dans l’air du temps.