Au 19e siècle, alors que beaucoup d’ouvrierEs travaillent plus de 14 heures par jour, le mouvement ouvrier international s’unifie autour de la revendication des 8 heures de travail.
Discutée dès 1864 au sein de l’AIT 1, les grèves imposent la journée de 8 heures en 1866 aux États-Unis dans « les établissements de la République ». En 1884, une convention des syndicats américains décide d’imposer qu’à partir du 1er mai 1886, nul ouvrier ne travaillera plus de 8 heures par jour. À cette date, soit les patrons les accordent, soit c’est la grève. Pendant la préparation, se déroulent d’immenses manifestations.
Chicago, 1886
Le 1er mai 1886, 5 000 grèves éclatent avec 340 000 grévistes. Maurice Dommanget dans son livre Histoire du 1er Mai estime que 125 000 ouvrierEs obtiennent les 8 heures dès ce jour, 200 000 de plus dans le mois qui suit, et que la durée journalière de travail diminue pour des millions d’autres. Le mouvement est sévèrement réprimé. À Milwaukee, la police tue 9 grévistes. À Chicago, lors d’affrontements à l’usine McCormick entre ouvriers lockoutés et jaunes, la fusillade des détectives armés de Pinkerton et des policiers fait 6 morts et une cinquantaine de blessés. Le lendemain, lors du meeting de protestation, place du marché au foin (Haymarket), la foule est dispersée violemment par les policiers, dans les rangs desquels une bombe est lancée, en tuant 8, et en blessant des dizaines. La fusillade policière est plus terrible, Chicago est mis en état de siège, et trois mois après les accusés sont condamnés à mort. Leur pendaison en 1887 a un retentissement international 2.
Des journées internationales de mobilisation à partir de 1890
Un an après, en 1888, en France, le congrès syndical de Bordeaux décide une manifestation pour les 8 heures le 24 février 1889, jour anniversaire de la révolution de 1848. Elle a un énorme succès et un grand retentissement. C’est alors qu’est avancée l’idée d’organiser une grande manifestation internationale à date fixe, pour mettre en demeure les gouvernements de réduire à 8 heures la journée de travail. Le Congrès international ouvrier de Paris de 1889 adopte cette date en référence au 1er Mai américain.
À partir de 1890, la préparation de la manifestation internationale mobilise tout le mouvement ouvrier. En 1890, il y eut 138 manifestations en France, parfois sévèrement réprimées, et des manifestations impressionnantes dans les pays européens industrialisés. En 1891, à Fourmies l’armée tire sur les ouvrierEs. Dix d’entre eux sont tuéEs, 80 sont blessés. Le retentissement de ce massacre est considérable. Durant les années suivantes, la mobilisation n’est plus du même niveau en France.
La manifestation de 1906 est marquée par la montée des grèves qui suit la catastrophe de Courrières, qui a fait près de 1 100 morts. Lors des obsèques, la foule scande «Vive la révolution ! Vive la grève !» Le lendemain, les mineurs du Nord enclenchent une grève de six semaines, avec la revendication : « huit francs, huit heures ». Clemenceau, alors président du Conseil, envoie des dizaines de milliers de soldats. Cela contribue à donner une nouvelle ampleur aux grèves qui éclatent un peu partout à l’approche du 1er Mai. L’inquiétude monte chez les bourgeois, à tel point qu’est votée la loi sur le repos hebdomadaire. Mais la répression limite les 1er Mai suivants, et l’entrée en guerre, avec l’adhésion à l’union sacrée des directions socialistes et de la CGT, les transforment en meetings.
À la fin de la guerre, le pouvoir français, face à la montée du mouvement ouvrier radicalisé par la révolution russe, adopte en avril 1919 la loi de la journée de 8 heures, et le traité de Versailles 3 prévoit explicitement la journée de 8 heures et la semaine de 48 heures.