Publié le Dimanche 3 janvier 2016 à 10h29.

The Big Short

Film américain d’Adam McKAY - 2h11, avec Steve Carell, Christian Bale, Ryan Gosling, Brad Pitt. 

Comment transformer dix millions que vous n’avez même pas en un milliard de dollars? Demandez aux banques et faites-vous certifier par Standard &Poor et le tour est joué! La crise des subprimes de 2008 se profilait.
« Comme toujours, ce sont les pauvres et les immigrés qui trinqueront » prophétise en conclusion du crash le banquier « vertueux » et écoeuré Mark Baum (Steve Carrel, magistral dans le film). Immédiatement une voix off le reprend et annonce « mais non Mark se trompe, les banquiers iront en prison et le capitalisme sera assaini » tandis qu’une deuxième voix off l’interrompt pour mieux déclarer qu’aucun financier (sauf un tocard) n’est allé en prison et, qu’en 2015, un nouveau produit toxique est proposé par la finance avec le triple A des agences de notation. Un monde formidable…
La critique, en général, n’a pas voulu voir la forte charge anticapitaliste du film pour n’en retenir qu’un nouveau documentaire à la Michael Moore ou bien l’histoire d’un « casse » réalisé par des affairistes lucides contre la titrisation du marché de l’immobilier et de l’économie mondiale en général. Les uns et les autres sont donc passés à coté de la complexité d’une oeuvre (produite par Brad PITT) qui filme la finance sans tomber dans aucune facilité (pas de coke, pas de champagne et pas de sexe ici) et n’être jamais ennuyeux. Complexité des personnages aussi. Les « casseurs » sont tellement dégoutés par le (leur) système qu’ils hésiteront parfois à aller jusqu’au bout tant le cataclysme qui s’annonce paraît impitoyable. L’un d’eux utilisera d’ailleurs les gains retirés dans le « casse » pour investir massivement dans l’agriculture biologique et l’eau.
Tiré du livre de Michal Lewis, « Le Casse du siècle », ce film est un objet à part. Documentaire économique, il fait intervenir des célébrités (la chanteuse Selena Lopez, le cuisinier Bourdain) pour mieux illustrer en gags le propos dès qu’il devient ardu. Brulot anti-libéral où banques et agences de notation sont écharpées sous un gros son de heavy metal (Led Zep, Nirvana), le film prend des allures de comédie hollywoodienne avec quelques unes des plus grandes stars du moment (R.Gosling, C.Bale, S.Carrel, B.Pitt) pour immédiatement mieux plonger dans la tragédie. Très, très fort !

Sylvain CHARDON