Publié le Dimanche 27 septembre 2015 à 08h34.

Les chansons que mes frères m’ont apprises

De Chloé Zhao, avec John Reddy, Jashaun St. John, Taysha Fuller. Sortie le mercredi 9 septembre. 

Une première œuvre présentée à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Un film d’immersion tourné après un séjour de 5 ans dans la réserve indienne de Pine Ridge située dans le Dakota du sud, à la limite des plaines du Middle West et des paysages saisissants des Badlands, collines ravinées et arides, impropres à toute culture. Les fantômes du génocide indien sont encore là. « Tout s’est arrêté à Wounded Knee », lieu du dernier massacre en 1890, subi par les indiens Oglalas-Lakotas, situé non loin de là. Les morts ont été enterrés sur place dans une fosse commune...

Johnny et Jashaun, frère et sœur de 18 et 11 ans, vivent dans cette réserve. Jashaun est la clé de voûte du film. Sur son vélo rose, elle traverse avec grâce le monde des adultes dont elle n’a pas encore adopté les lois. Le père qui disparaît dans l’incendie de sa maison, le frère aîné en tôle, la mère qui n’est jamais là, les trafics d’alcool, de drogue, pour survivre, les rodéos comme seuls loisirs des hommes... Johnny, ce presque adulte, est à l’heure des choix : quitter la réserve mais perdre son identité, ou rester et finir comme les autres.

La caméra tourne autour d’eux, en une sorte de respiration, passant successivement de l’épaule, au plus près des personnages, à des plans très larges sur des paysages de prairies, de collines ravagées, de ciels orageux. L’intrigue flotte au jour le jour selon les circonstances, ce qui colle bien aux interrogations que se posent Johnny et Jashaun. Chloé Zhao a été obligée de réviser à la baisse son scénario, faute de financements. Elle voyait ses deux jeunes acteurs grandir et risquer de ne plus correspondre au rôle.

D’où un film qui mélange avec bonheur la fiction et le documentaire. Il a été présenté à Sundance, festival du cinéma indépendant américain, ce qui a résolu le problème de sa distribution. Une raison supplémentaire de voir ce film attachant.

Jean-Marc Bourquin