Warner Music, 2016, 16 euros.
«Né So », maison ou chez moi en bambara, n’est pas la maison du retour au Mali pour Rokia Traoré mais « Une maison, des habitudes, un futur » que des millions de réfugiés cherchent pour retrouver une existence habituelle. Rokia Traoré signe ici la plus belle chanson de soutien aux réfugiés à ce jour. Cet album parachève aussi le tournant rock de la chanteuse initié il y a deux albums. John Paul Jones de Led Zeppelin y fait deux apparitions à la basse et à la mandoline, et John Parish, musicien de PJ Harvey, polit le son d’un rock « mandingue » authentique.
Il y a 22 ans, Rokia décida de quitter le confort de l’Europe et de ses études pour retourner aux racines bambara de la région de Beledougou au Mali. Christian Mousset, le directeur des ex-Musiques Métisses, la remarqua à Bamako, et la fit venir à Angoulême en 1997 où elle triompha. Toute l’Europe, où la world était très à la mode, la demandait mais Rokia sut tracer sa route et ne pas se laisser enfermer dans un type de musique. Elle a construit une fondation au Mali pour développer les arts de scène : les choristes de cette fondation chantent avec elle sur ce CD et l’accompagnent en tournée en Europe malgré les tracasseries administratives.
L’album « Né So » s’ouvre par une chanson en langue française, « Tu voles », qui fait référence à la méditation musulmane, mais c’est en bambara que Rokia rend hommage à « Kolokani », la ville au nord de Bamako d’où sont originaires ses parents, avant d’évoquer les lynchages de noirs dans le sud des États-Unis, en reprenant « Strange Fruit » de Billie Holiday.
Au final 11 pépites où alternent des moments d’émotion intense avec l’énergie folle de Rokia et de ses musiciens.
Sylvain Chardon