En août 1939, les physiciens Leo Szilard, Edward Teller et Eugène Wigner (réfugiés hongrois du nazisme) avaient la conviction que l’Allemagne nazie travaillait au développement d’armes atomiques, et ont donc décidé de persuader Albert Einstein, le physicien le plus célèbre de l’époque et « père » de la physique nucléaire, d’écrire au président Roosevelt.
Dans une lettre rédigée par Szilard, Einstein avertira le président du danger et lui demandera d’accélérer les recherches afin de devancer l’Allemagne.
Pourtant, Einstein était pacifiste pendant la Première guerre mondiale et très antimilitariste, écrivant en 1934 : « La pire des institutions grégaires se prénomme l’armée. Je la hais. Si un homme peut éprouver quelque plaisir à défiler en rang aux sons d’une musique, je méprise cet homme… Il ne mérite pas un cerveau humain puisqu’une moelle épinière le satisfait. Nous devrions faire disparaître le plus rapidement possible ce cancer de la civilisation. »
« Une grande erreur »
Après la défaite du nazisme et à l’approche de la fin de l’affrontement avec le Japon, Szilard est devenu très inquiet et en juillet 1945, avec 70 autres scientifiques travaillant sur le projet de la bombe, a envoyé une nouvelle lettre, cette fois au président Truman, afin de le dissuader de l’éventuelle utilisation de la bombe sur les villes japonaises. D’autres scientifiques ont proposé que la bombe soit employée sur une zone inhabitée afin d’avertir les Japonais de ce qu’ils risquaient. Mais les appels ne furent pas entendus.
Après la guerre, Einstein militera pour le désarmement nucléaire jusqu’à sa mort en 1955. Peu avant, il avouera à son ami Linus Pauling : « J’ai fait une grande erreur dans ma vie quand j’ai signé cette lettre (de 1939). » Quant à Szilard qui avait été très impliqué dans le développement de la bombe, il dira après la guerre : « Si les Allemands avaient largué des bombes atomiques à notre place, nous aurions qualifié de crimes de guerre les bombardements atomiques sur des villes, nous aurions condamné à mort les coupables allemands lors du procès de Nuremberg et les aurions pendus. »
Ross Harrold