Publié le Dimanche 13 mars 2016 à 10h41.

L’écologie gouvernementale nucléaire-compatible !

L’annonce par Ségolène Royal de la prolongation de 10 ans de la durée de vie des centrales nucléaires constitue un excellent test pour la capacité des nouveaux membres du gouvernement réputés écologistes, à avaler non plus des couleuvres mais des boas...

Un test passé haut la main. Les « écologistes gouvernementaux » rivalisent de compréhension et de bienveillance à l’égard de la ministre de l’Énergie et de l’Écologie.

Le moins béat mais compréhensif quand même, le député François de Rugy, est obligé de constater que « Ce qui est sûr, c’est que ça ne va pas dans le sens de la loi de transition énergétique (LTE) qui a été adoptée l’année dernière et qui vise à rééquilibrer la production d’électricité en France entre renouvelable et nucléaire à l’horizon 2025 », mais excuse : « Sans doute que Ségolène Royal dit cela pour montrer à EDF que toutes les options sont sur la table. »

Plus zélé, le vice-président de l’Assemblée nationale Denis Baupin attaque les voix critiques : « Les habituels protestataires protestent… Il ne faut pas s’en tenir au seul titre des dépêches de presse », et renvoie ses anciens camarades de parti « réviser leur dossier ». Il défend explicitement Royal qui « n’a fait que préciser le cadre de la réduction de la part du nucléaire prévu dans la LTE ».Au prix de contorsions acrobatiques, il arrive même à expliquer que plus c’est moins : « Pour accompagner une sortie progressive du nucléaire, il est nécessaire de prolonger la durée de vie de ceux qui existent, ce qui permet de ne pas en construire de nouveaux » et il se rassure : « Par ailleurs, la ministre a placé cette prolongation sous la supervision de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui doit déterminer le montant des investissements nécessaires. Confrontée au manque de moyens, EDF ne devrait pas restaurer les centrales les plus anciennes », et enfonce le clou : « Le facteur le plus limitant pour la prolongation des réacteurs nucléaires, c’est qu’EDF n’en a pas les moyens. »

à l’insu de leur plein gré ?

Même argument financier, l’hypocrisie en plus, chez Jean-Vincent Placé qui affirme être « à titre personnel pour la sortie du nucléaire », mais minimise : « Pas toutes les centrales (ouf !). C’est-à-dire qu’il y aura quelques centrales qui auront vocation à être modernisées. Mais (...), attention, la filière nucléaire aujourd’hui telle qu’elle est, avec les échecs de l’EPR, et en Finlande et à Flamanville, c’est plutôt au bord de la faillite. Donc très sincèrement (sic), je ne vois même pas comment on va trouver l’argent pour prolonger », et encore :« Donc c’est pour ça que le côté mot d’ordre " on va prolonger de 10 ans " va arriver face à une forme de réalisme et de pragmatisme qui fait que, de toutes façons, il va falloir aller beaucoup plus vite sur les énergies renouvelables et sur la maîtrise de l’énergie pour les Françaises et les Français »... La sortie du nucléaire à l’insu du plein gré d’EDF et du gouvernement en quelque sorte !

Le spectacle lamentable offert par celles et ceux qui, comme le dit Noël Mamère, « ont voulu les miettes du pouvoir, (...) et gagneront le goudron et les plumes » ne fait que discréditer encore un peu plus la politique professionnelle. Mais l’écologie mérite infiniment mieux : les mobilisations pour le climat, les manifestations pour l’abandon de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou contre les gaz de schiste à Barjac, l’ensemble des résistances face aux projets destructeurs, au nucléaire, à l’agriculture industrielle, face à la pollution et à la destruction de la biodiversité, les alternatives vivantes et radicales, montrent que démocratie réelle, justice sociale et justice environnementale, sont indissociables. Ensemble, elles dessinent un projet politique à la fois émancipateur et mobilisateur... qui ne peut s’accommoder des petits arrangements avec le gouvernement.

Christine Poupin