Le jeudi 21 novembre Poutine « dévoilait » une nouvelle arme de son arsenal en ordonnant le lancement du missile hypersonique, « Oreshnik » (noisetier), de portée intermédiaire. Un « test » réussi ou une démonstration d’impasse de son « opération militaire spéciale » ?
Les États-Unis avaient été informés, 30 minutes avant, du lancement de ce missile sans ogive nucléaire mais capable d’en transporter. Il n’a guère fait de dégâts, frappant une ancienne usine de Dnipro. Il s’agissait pour Poutine d’une opération théâtrale à plusieurs dimensions envers divers publics : faire peur, en Ukraine et auprès des opinions publiques de pays la soutenant ; en poussant d’un cran la rhétorique nucléaire dans ses menaces à destination de l’Occident, en amendant un oukaze pour signifier que toute aide apportée à l’Ukraine signalerait le pays concerné comme « cobelligérant » et susceptible de représailles nucléaires.
Parallèlement, il s’agissait pour Poutine de se montrer rassurant en direction de la population russe, quant aux capacités de défense du pays. Le dirigeant russe s’est réjoui de la réussite d’un « test » — permettant de lancer la production d’autres missiles de ce type. Sauf que son coût serait selon les experts, de 100 à 200 fois supérieur à celui des missiles quotidiennement envoyés sur l’Ukraine (et massivement interceptés). Par ailleurs, l’Ukraine a déjà été confrontée à l’envoi de missiles hypersoniques russes précédemment qualifiés par Poutine d’invincibles. Ce fut le cas en mai 2023, lorsque Kiev s’est servi d’un système antimissile américain Patriot pour détruire un missile Kh-47M2 Kinjal (lancé sur l’Ukraine depuis un MiG-31 russe) et qui, selon Poutine comme il l’a redit pour son « Oreshnik », ne pouvait être intercepté…
Les difficultés du régime poutinien
Mais surtout, Poutine a accompagné sa présentation de l’opération « Oreshnik » d’une mesure significative à destination de ses soldats : l’annulation de leurs dettes — ce qui s’ajoute à plusieurs mesures budgétaires déjà prises pour trouver des volontaires — et aider leur famille lorsqu’ils meurent au front, ce qui est la règle.
Début novembre, selon des services de sécurité étatsuniens, la Russie aurait formé des soldats nord-coréens qui pourraient aller sur le front. Cela marquerait à la fois un tournant de la guerre et un aveu. Jusqu’alors il n’y a eu aucun recours à des troupes étrangères pour se battre aux côtés de Kiev ou de Moscou — mais ce recours soulignerait encore la difficulté de recrutement de soldats — ce qui est également vrai en Ukraine, avec un autre contexte. Poutine s’est tourné vers les populations les plus pauvres du fin fond de la fédération de Russie et a offert des salaires bien supérieurs à ce qu’offre l’industrie, produisant aussi des pénuries de main-d’œuvre de ce côté. L’économie de guerre russe tourne à plein régime et distribue des salaires — mais elle ne permet pas de « vivre » ni de produire ce dont la population a besoin. Et l’inflation risque d’aggraver les tensions.
Globalement, « l’opération militaire » lancée par Poutine en février 2022 était supposée obtenir une chute du gouvernement Zelensky et une soumission de l’Ukraine au « monde russe » en quelques jours. Depuis près de trois ans, les UkrainienNEs résistent toujours (ce qui a surpris Biden et autres forces de l’OTAN) en réclamant les moyens de repousser l’envahisseur1.
L’Ukraine se bat, en légitime défense
Dans l’attente de négociations qui seraient catalysées par Trump après son investiture, les deux parties cherchent à consolider leur position. Selon la presse étatsunienne, le président Biden a autorisé Kiev à effectuer sous sa supervision des attaques sur le territoire russe avec des missiles d’une portée de 300 km capables d’atteindre la région de Koursk2 où seraient les forces nord-coréennes. Il s’agirait de dissuader celles-ci d’intervenir et de cibler des sites militaires d’où partent les attaques répétées sur les infrastructures et populations de l’Ukraine depuis des mois — faisant des milliers de morts et centaines de milliers de blesséEs.
Cette guerre a transformé le régime russe dans un sens fascisant – tuant ses opposantEs, les emprisonnant ou les forçant à s’exiler3,4. Elle a aussi creusé des haines « anti-russes » même dans les régions russophones de l’Ukraine. Sans que cesse l’aveuglement d’une partie des gauches dans le monde dont le seul ennemi impérial possible était l’Otan — et qui, pour certains, voient en Poutine une alternative progressiste à l’Occident.
L’ère Trump ouvre de grandes incertitudes. Notre rôle est d’aider la résistance populaire en Ukraine5 — armée et non armée, et indépendante des gouvernants — et les opposantEs russes à la guerre en construisant les alternatives internationalistes6.
Catherine Samary