Publié le Samedi 4 octobre 2025 à 10h59.

Manifestations du 2 octobre : ce n’est pas fini !

 

 

Après l’élan du 10 septembre et la journée intersyndicale réussie du 18, la mobilisation du 2 octobre est significativement en retrait. Pourtant les raisons de la colère sont toujours là. Il faut donc chercher à comprendre quels sont les freins à la mobilisation pour essayer de lui donner des perspectives et la construire.

 

Ne pas surestimer le 10 septembre pour ne pas être déçu de la suite

Les AG de l’été qui ont permis les blocages et la grosse mobilisation du 10 étaient une bonne surprise. Pour autant, les réseaux mobilisés et le faible ancrage dans le monde du travail laissaient percevoir l’ampleur du travail à fournir pour donner des suites à cette date.

L’appel intersyndical était de ce point de vue extrêmement positif, donnant une perspective immédiate et renforçant la jonction avec le monde du travail et la question de la grève.

L’arc extrêmement large de l’intersyndicale ajouté à la dynamique du 10 à permis une mobilisation très importante avec y compris des chiffres de grève encourageants.

Malgré tout, ni au lendemain du 10 ni au lendemain du 18, il n’y a eu de secteur assez mobilisé pour reconduire. Le mouvement s’est trouvé sans perspective, “Bloquons tout” étant en incapacité d’en proposer, tandis que l’intersyndicale s’empêtrait dans le « dialogue social », sous pression de la CFDT, et ne prévoyait pas de suites. L’appel tardif au 2, ni dans la chaleur du 18 ni ne laissant le temps de la construction, a conduit à une mobilisation plus faible à la fois en termes de manifestations que de grévistes mais qui reste cependant honorable.

Il n’y avait pas la force pour déborder les appareils, fondamentalement en raison de la faiblesse de la conscience et de la confiance collective.

 

Ce n’est qu’un début !

Dans tous les mouvements précedents nous avons été surpris des capacités de rebondissement des mobilisations, sous forme de manifestations essentiellement (Gilets jaunes comme retraites).

Le vide gouvernemental rend difficile la confrontation, contribue à l’attentisme pour un mouvement qui peine à se construire sur des revendications concrètes et à construire son propre agenda. Or le pouvoir ne pourra en rester là. Même s'il essaye de retarder au maximum la nomination des ministres, et la publication de la feuille de route qui va avec, pour désamorcer au maximum la mobilisation, cela ne pourra pas durer éternellement.

Les prochaines dates qui pourraient réamorcer la mobilisation sont donc probablement liées au calendrier institutionnel, aux débats sur le budget et au plan de financement de la sécurité sociale.

Pour élargir la base mobilisée et convaincre de nouveaux.elles collègues à entrer dans la bataille, les prochaines semaines peuvent être utilisées pour articuler revendications sectorielles et revendications interprofessionnelles sur le budget. En reliant les préoccupations quotidiennes et l’austérité budgétaire, en faisant le lien entre la dégradation des conditions de travail et les choix économiques, non seulement on convainc de nouvelles personnes mais on politise aussi à partir des réalités concrètes des gens.   

En l’absence de majorité, la tactique de Lecornu est difficile à prévoir mais que ce soit des accords avec l'extrême droite, l’usage du 49.3 ou une dissolution, on va forcément rentrer dans une période d'instabilité politique forte.

Il faudra être en capacité de saisir ces moments comme cela a été le cas pendant la mobilisation sur les retraites par exemple. La mobilisation devra articuler mots d’ordre concrets et question du pouvoir.

 

L’enjeu de l’unité

Dans un contexte aussi instable et complexe, la mobilisation ne peut être massive que si elle repose sur des appels avec une légitimité forte, que celle-ci soit issue d’un “rassemblement citoyen populaire large” ou d’une intersyndicale très large, c’est-à-dire si la classe ouvrière dispose d’une direction politique unitaire, fut-elle réformiste. En l’état actuel de la mobilisation, nous ne pouvons faire l'économie de cette étape.

De la même manière, dans la période d'instabilité politique qui vient, il faut un large front d’organisations pour peser à la fois dans le sens de la mobilisation et dessiner une perspective politique alternative à celle de Macron ou de l’arrivée au pouvoir de l'extrême droite.

Le temps des affrontements entre tactiques syndicales ou hypothèses stratégiques de renversement du capitalisme, n’est pas encore venu : pour que ces questions soient à l’ordre du jour à une échelle qui dépasse le milieu militant restreint, il faut que les masses soient en mouvement ce qui n’est pas actuellement le cas.

Notre rôle, en tant que militant·es révolutionnaires est de construire ce front social et politique large, de la base au sommet, et d’expliquer si nécessaire cette tactique de front unique aux milieux les plus radicaux pour ne pas dire gauchistes. Expliquer que le rôle des militant·es conscient·es est d’entraîner les franges passives, pas de se couper d’elles.

 

Ancrer la mobilisation, développer des revendications

L’autre élément essentiel pour construire la mobilisation, et en particulier la grève, est d’aller chercher des revendications concrètes pour tous les secteurs.

Les services publics sont en première ligne : il faut des moyens pour l’école, pour la santé, pour les transports. On peut avancer le chiffre d’un million d'emplois nécessaires dans l’ensemble des services publics. Le développement et la gratuité des transports fait le lien avec la question écologique tout en répondant à un besoin social essentiel, celui de se déplacer. Cela nécessite de répudier la dette et de prendre aux riches et aux grandes entreprises.

Dans le privé, les plans de suppressions d’emplois se poursuivent dans un silence assourdissant. Les conséquences sociales vont être dramatiques. Il faut avancer des revendications contre les licenciements mais également contre les cadeaux faits aux grandes entreprises, qui plus est sans aucune contrepartie ni en termes d’emploi ni en termes écologiques. Le chiffrage de 211 milliards d’aides aux entreprises permet de mettre en lumière les sommes accaparées par la patronat dans la cadre d’un transfert massif d’argent public vers le privé. Il faut imposer de renverser cette logique pour répondre aux besoins sociaux du plus grand nombre.

Face à l’urgence sociale, il faut augmenter les salaires, tous les minimas sociaux de 400 euros, bloquer les prix notamment de l'énergie et aussi celui des loyers.

D’autres mobilisations viennent nourrir le mouvement en cours : pour le droit au logement, pour la régularisation des sans-papiers, pour le droit à l’IVG, contre toutes les oppresions, etc. Dans un contexte d’austérité budgétaire, le lien se fait notamment car la question des financements va se poser de manière cruciale pour de nombreuses associations qui assument des missions de services publics (planning familial, CIMADE, MJC, etc…).

 

En parallèle des mobilisations sociales, le mouvement contre le genocide à Gaza est un élément essentiel de la situation. En Italie, des mobilisations d'ampleur ont lieu y compris par la grève et le blocage avec maintenant un arc de force très large.

 

L’unification des questions internationales et sociales est de fait réalisée par l’équation budgétaire : alors que les gouvernements augmentent le budget de l’armée et exigent des économies dans tous les secteurs de l'État social, nous revendiquons exactement l’inverse ! Des mots d’ordre comme «de l’argent pour l’école/les hôpitaux/le logement pas pour la guerre et le militaire/pas pour les cadeaux aux entreprises» contribuent à faire converger nos luttes.

 

Pour conclure

C’est donc bien cette question du budget et de la constitution du gouvernement qui va être cruciale dans les semaines à venir tant pour construire les revendications permettant de solidifier le mouvement que pour lui donner des perspectives en termes d’échéances de mobilisation. Le pouvoir est très affaibli et illégitime, la mobilisation peut profiter de l'absence de majorité pour empêcher le déroulement du calendrier institutionnel et aggraver la crise du système. Tout est encore possible même si le rapport de force est difficile pour notre classe. Dans tous les cas, et on le voit déjà avec ce début de mobilisation, c’est en s’affrontant au patronat et au gouvernement que notre classe peut prendre conscience de sa force et se constituer en sujet politique agissant.

 

Dès aujourd’hui, nous pouvons donc montrer autour de nous que l’heure est à la préparation de l’affrontement, avec des tournées dans les services, des assemblées générales, des réunions interprofessionnelles, etc. Les partis doivent également être sollicités car, tôt ou tard, c’est de nouveau la question du pouvoir qui sera posée : qui nous dirige, pourquoi faire, comment les travailleur·ses peuvent imposer un gouvernement de rupture, rompre avec la 5e République. Ces questions seront de retour dans les prochaines semaines. Il faut s’y préparer.